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Clint Eastwood | Les pleins pouvoirs (1996)


Après le triomphe de Sur la route de Madison (1995), Les pleins pouvoirs marque pour Clint Eastwood un brillant retour au thriller, genre qui, avec le western, a fait sa gloire. S’appuyant sur un scénario du vétéran William Goldman, le film s’ouvre sur une longue scène d’anthologie illustrant le cambriolage d’une riche demeure, le meurtre d’une jeune femme et enfin l’évasion du voleur, Luther Withney, interprété par Clint.
Par sa virtuosité et par le voyeurisme qu’implique la cachette de Withney durant le crime (il se trouve derrière un miroir sans tain), on pense beaucoup à un autre remarquable cinéaste, Brian De Palma, sans doute à tort, Eastwood ne se laissant jamais influencer par ses contemporains. Mais la comparaison s’arrête à cette séquence. A la technique éblouissante et démonstrative de De Palma, Clint préfère une mise en scène élégante et discrète, mais néanmoins efficace. Les pleins pouvoirs prend la forme d’un thriller politique, développant une réflexion sur le pouvoir et ses dérives. Mais comme dans Jugé coupable, sorti en 1999 et qui évoque la peine de mort et les erreurs judiciaires, à l’intrigue principale se greffe une intrigue parallèle et plus personnelle, traitée avec beaucoup de sensibilité et de justesse. Luther, père absent (du moins en apparence) de par sa singulière profession, entretient des relations tendues avec sa fille. Les rapports parfois difficiles que l’acteur a pu avoir avec sa propre fille Alison (qui fait une courte apparition au début du récit) teinte le film d’une touche autobiographique intéressante, d’autant plus que Laura Linney qui joue la fille de Withney présente une petite ressemblance avec Alison Eastwood. Il s’agit visiblement d’un thème cher au réalisateur car Jugé coupable et son chef-d’œuvre Million Dollar Baby (2004) l’abordent également.  la vision du film on se rend compte que Eastwood a raison de ne plus faire appel à des yes-men, pour tourner ses œuvres les plus commerciales. Les pleins pouvoirs et d’une manière générale tous les thrillers signés par le maître s’avèrent largement supérieurs à ceux troussés, certes honnêtement, par James Fargo (exception faite peut-être de L’inspecteur ne renonce jamais) ou Buddy Van Horn. Il est vrai aussi que depuis Impitoyable (1992), Clint Eastwood sait de mieux en mieux s’entourer. A ses côtés, on trouve en effet une des plus solides distributions de sa carrière : Gene Hackman en président des Etats-Unis peu recommandable (déjà un beau salaud dans Impitoyable), Ed Harris, sympathique (la rencontre entre Withney et Seth Frank son personnage, est des plus savoureuses), Laura Linney (qui sera plus tard a l’affiche de Mystic River et de Sully), Judy Davis, Scott Glenn (qui retrouve Ed Harris, son complice de L’étoffe des héros), Dennis Haysbert et surtout, pour sa dernière apparition à l’écran, E. G. Marshall, remarquable troisième couteau des années 50 et 60 (Douze hommes en colère notamment). Comme pour John McIntire dans Honkytonk Man (1982), on éprouve un grand plaisir à admirer un comédien issu de l’époque glorieuse de Hollywood. Présenté en clôture du festival de Cannes en 1997, Les pleins pouvoirs, même s’il n’est pas le film le plus ambitieux ni le plus fameux de Clint Eastwood, demeure un spectacle de grande qualité, parfaitement mis en scène et interprété.


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