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KröniK | Heavydeath - In Circles We Die (2016)


Après avoir besogné derrière les fûts du côté d'un Necrocurse où son talent paraissait pour le moins sous-employé, suite au sabordage, en 2007, de son Runemagick dont il donnait l'impression d'avoir pressé tout le jus, Nicklas Rudolfsson semble depuis deux ans vouloir rattraper le temps perdu, retrouvant avec Heavydeath l'envie de forger ce death doom qui n'appartient qu'à lui. L'inspiration au garde-à-vous, rien, dès lors, ne peut plus l'arrêter. Résultat, le Suédois ne cesse de cracher avec frénésie sa semence granitique sous forme de démos et de EP (plus d'une quinzaine au totale depuis 2014, excusez du peu !), autant de brouillons qui ont préparé le terrain à « Eternal Sleepwalker », premier album longue durée qui fut, l'an passé, à la hauteur des attentes suscitées par cette myriade d'ébauches. D'autres, un peu moins nombreuses toutefois (on n'en compte que cinq !), ont depuis coulé sous le pont jusqu'à ce « In Circles We Die » qui le voit quitter le giron du finlandais Svart Records pour celui, tout aussi respectable, de l'allemand Iron Bonehead. S'il ne surprend pas vraiment, irrigué qu'il est par cette sève goudronneuse reconnaissable entre mille, et témoigne encore une fois que Heavydeath ne remplacera définitivement jamais Runemagick dont on a fait depuis longtemps le deuil, ce deuxième véritable effort continue, pour notre plus grand plaisir, de graver, dans la roche froide cet art d'une inexorabilité sentencieuse. Sans surprise peut-être pour qui est un fidèle du père Rudolfsson, cet opus ne se contente pourtant pas de creuser un sillon identique à « Eternal Sleepwalker » dont il reste cependant assez proche. Car, comme il savait si bien le faire avec son ancien port d'attache, Nicklas possède toujours cette faculté rare de forer à la manière d'une sinistre excavatrice une même matière, robuste et crépusculaire, au fil de ses offrandes, sans jamais se répéter. Cette façon masochiste de tournoyer au-dessus d'un gouffre sans fin ('Into Death's Black Void'), de libérer des riffs aux allures d'ondes sismiques qui se répandent ('Slumbering Monolith'), également intacte, l'homme aime prendre son temps, tricotant une toile qui palpite d'une force noire hypnotique. Dès 'As We Foretold', entame aussi massive que corrosive, nous sommes autant en terrain conquis que connu mais les chœurs telluriques qui l'enténèbrent lui confèrent des allures inédites de rituel caverneux. De fait, s'il ne se départit ni de son sens de l'écriture pétrifiée ('Bleak Future') ni de cette rythmique rocailleuse et encore moins de cette prise de son rêche, qui claque comme un coup de trique, le Suédois plonge cette fois-ci encore davantage dans des abîmes insondables grâce à sa voix plus terrifiante et souterraine que jamais, capable de siphonner la moindre trace de lumière, le plus petit souffle de vie. Tentaculaire et extrêmement personnel dans son expression d'une noirceur ascétique, « In Circles We Die » a quelque chose d'un bloc de matière brute dont chaque titre forme une marche supplémentaire, qui descendent dans les arcanes opaques de la terre. Sous l'entremise de son principal architecte, Heavydeath poursuit inlassablement l'érection d'un art séculaire et autarcique. 4/5 (2016)


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