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KröniK | Lebenssucht - Fucking My Knife (2016)


Même si la musique lui sort littéralement par les trous de nez, les (très) nombreux projets qui occupent Déhà sont souvent avant tout une histoire de famille, celle d'artistes, inspirés toujours, avec lesquels il partage amitié et un goût similaire pour un black metal torturé et pétri d'une noirceur mortifère. Lebenssucht le voit s'associer par exemple avec un autre mercenaire du plat-pays, ex Enthroned (entre beaucoup d'autres) Ahephaim, poursuivant une collaboration entamée avec Vaer. La chanteuse S Caedes, partenaire de ce dernier dans Humanitas Terror Est, complète ce line-up resserré.
Cette alliance assure déjà à ce groupe sa valeur intrinsèque, les standards de qualité de ces Belges n'étant plus à démontrer, mais garantit surtout une teneur riche en négativité. Fucking My Knife, leur carte de visite n'est peut-être qu'un EP mais sa (trop) courte durée suffit à déflorer un potentiel maladif et puissamment viscéral. En trois plaintes gangreneuses, le trio esquisse avec une lame rouillée, baignant dans ce sang menstruel, un art noir aussi hystérique que décharné que hante une folie prolifératrice qui permet à cet opuscule de s'extraire du caniveau du black bêtement suicidaire. Il y a là une forme de démence corrosive et sournoise qui ronge tout et enfonce corps et âme ces pistes dans les profondeurs hallucinées d'un corridor possédé qui serpente dans les entrailles d'un asile, témoin ce Fucking My Knife terminal et définitif qui résonne de cris terrifiants et de bruits stridents au bord d'une copulation ambient bruitiste et dégénérée. D'une lancinance convulsive, Depression atteint des sommets de décrépitude, rumination obsédante qu'irriguent un chant écorché et des riffs venimeux dans une architecture crépusculaire aux structures déchaînées. Evoquant de manière lointaine le Shining originel lorsque Niklas Kvarforth n'était pas encore ivre de lui-même, Until I Die imprime un tempo qui confine à la transe, reptation implacable dans un charnier pétrifié. Connectés grâce à un fluide evil, les trois personnages de cette pièce au souffle aliéné, se fondent en une créature tapie dans l'inconscient, qui hurle et lacère l'esprit. Eu égard aux multiples projets que besognent ses membres, espérons que Lebenssucht ne reste pas comme tant d'autres groupes, un one shot aussi prometteur soit-il… 3.5/5 (2017) | Facebock






KröniK | Yhdarl - A Prelude To The Great Loss (2016)


Comme Déhà l'admet lui-même, la musique relève davantage chez lui de l'obsession que de la simple passion. D'où cette œuvre bordélique et déjà vertigineuse, alors que l'homme n'a pas que 31 ans (!),  qui ne cesse de grandir, de grossir, créature tapie dans l'ombre qui se nourrit de toutes les sonorités, de toutes les influences qui la hantent, quand bien même celle-ci ne se départ jamais de sa noirceur coutumière. Incapable de retenir sa sombre semence, le multi-instrumentiste n'est donc jamais absent bien longtemps. Fidèle à des standards de qualité exigeants, il ne macère jamais dans la médiocrité, expliquant pourquoi il ne nous viendrait pas à l'esprit de critiquer ce stakhanovisme frénétique qui force le respect. Bien entendu, il est toujours permis de se demander qu'elle est l'utilité pour un artiste de s'éparpiller de la sorte. Pourtant une écoute attentive de chacun de ses projets suffit à en comprendre la raison, lesquels forment les matériaux différents quoique complémentaire d'un seul et unique édifice. Avec Yhdarl, qui l'associe depuis 2010 à la chanteuse Larvalis Lethaeus, il explore les cavités abyssales d'un funeral black doom épileptique que ronge une folie rampante. Loin de la beauté immobile et mortuaire qui drapait Mythologiae, qu'il nous a offert l'an passé sous la bannière plus atmosphérique de Slow, A Prelude To The Great Loss, dernier rejeton d'une longue litanie d'offrandes aussi malsaines que démentielles, affole le compteur Geiger de la décrépitude la plus absolue, plongée sans espoir de retour dans les abîmes aveugles des fosses Marianne. Taquin, Déhà fait de cette hostie, comme l'avaient fait les Finlandais de Reverend Bizarre en leur temps avec Harbinger Of Metal, un EP qui s'étire avec sa pièce bonus d'une demi-heure, sur une durée de plus de 60 minutes ! Rongé par une inexorable souffrance, l'opus porte définitivement bien son nom : bloc pétrifié secoué dans ses tentaculaires fondations par une négativité aussi hallucinante qu'hallucinée. Dans le gouffre opaque de son intimité charbonneuse infuse un mal-être tellement absolu qu'il se pare d'une dimension masochiste. Jamais englué dans une monotonie languissante, Yharl déroule une partition extrêmement dense et travaillée, où un sens affûté de la progression douloureuse n'est pas sacrifié sur l'autel d'ambiances pourtant mortifères cependant que le chant se révèle dans toute sa monstrueuse ambivalence, tour à tour incarné par les deux maîtres des lieux et de nombreux invités (Old de Drohtnung, Ascaris de Venowl...). En cela, la comparaison entre les deux complaintes qui forment le cœur de A Prelude To The Great Loss s'avère pour le moins éloquente. De fait, si Unblessed Hands, égrené par des accords obsédants, s'enfonce, presque immobile, dans des sables mouvants dont les émanations qu'ils exsudent, ne sont pas sans une certaine beauté funéraire, Primal Disgrace, pièce foisonnante du haut de ses 18 minutes au compteur, ne cesse de surprendre, tout d'abord furieusement rapide comme un torrent en crue, hystérique ensuite et en cela plus proche d'un black aliéné que du doom. Vocalises hurlées ou plus caverneuses se succèdent sur fond de folie gangreneuse. Puis, presque arrivé à mi-chemin, le titre se mue en excavatrice prisonnière d'un indicible désespoir, forant les entrailles d'une âme noire en une petite mort déchirante. Quant au " bonus " qui vient encore enrichir la version CD, long, excusez du peu, de plus d'une demi-heure (!) ne saurait se confondre avec du remplissage, pulsation qui au contraire vaut son pesant de miasmes dépressives, véritable trou noir capable d'avaler toute trace de lumière et de vie auquel sa durée confère des allures de cauchemar sans fin. Illustration supplémentaire de son talent cathartique, A Prelude To The Great Loss est encore une réussite à mettre à l'actif de Déhà dont la sève créative ne semble décidément pas prête de se tarir. 4/5 (2016)


Interview | Yhdarl (Août 2016)


A l'occasion de la sortie du nouveau EP d'YHDARL, l'un de ses multiples projets, Déhà a bien voulu répondre à nos questions sur son parcours, sa passion, ses groupes...

Tu es un musicien complet. Quel est l'instrument avec lequel tu as commencé à jouer ?

J'ai commencé vers mes 15 ans avec une guitare sèche. Le problème c'est que j'ai appris plus ou moins seul, donc forcément j'ai de très sales habitudes et mauvaises techniques qui font qu'autant je suis capable de jouer assez bien en studio / recording, autant je suis incapable de jouer la plupart en live. Depuis un moment, je me considère plutôt comme bassiste pour ce qui est de mon instrument de prédilection et avec lequel j'ai une bonne technique et un niveau correct.

Tu évoques la scène. Joues-tu souvent en live ? Es-ce un domaine que tu souhaiterais développer à l'avenir ?

Le live a une relation douce-amère avec moi. J'aime jouer, oui, parce que je me lâche complètement et l'effet de catharsis est parfait. Aussi parce que oui, il est vrai que j'aime bien jouer ou gueuler sur scène. Le problème, c'est ma condition : je suis incapable de rester trop longtemps entouré de gens. Cela devient physiquement maladif. J'arrive parfois à gérer la chose (Dark Bombastic Evening avec Clouds), parfois pas du tout. Mais dans le fond : oui, je veux faire de la scène, davantage, avec n'importe quoi ou presque.

En studio et dans le cadre de tes projets solitaires, tu parviens donc à assurer tous les instruments ?

Absolument. Je joue toutes les guitares et basses, les claviers aussi et si possibles d'autres instruments (percussions, flûtes, etc). Concernant la batterie, j'en joue de temps en temps et j'en enregistre aussi, mais je travaille beaucoup avec de la batterie programmée. Et bien que ça fasse un peu emmerdant pour les gens, je travaille comme un vrai batteur avec mes batteries. Elles ne sont pas du tout des templates, elles sont créées et jouées.

Comment es-tu venu à la musique ? Adolescent, tu évoluais dans un cadre mélomane ?

Complètement. En fait, j'ai commencé la musique vers 4 ans, par intérêt de loin grâce aux ordinateurs (Amiga, pour ceux qui ont connu) et grâce à ce qu'on appelait la " demoscene ". Aussi, énormément de jeux (Amiga, forcément) contenaient des musiques (appelées ici " modules ", fichier source en gros) que j'ouvrais avec un programme (OCTAMed) et dont je m'inspirais, regardais les samples, les effets, l'utilisation de tout. Soit, ces musiques étaient assez " cheap " mais cela ne retire rien au plaisir global et aux génies de certaines de mes influences encore actuelles : Romeo Knight, Razor 1911, et surtout Elmobo, aka Frédéric Motte, ingénieur studio au Conkrete Studios avec qui j'ai travaillé pour l'album de We All Die (Laughing). Personne n'imagine à tel point sa musique de jeux vidéos (Fury of the Furries !) et autres m'ont influencé. Hors cela, j'écoutais tout ce qui me tombait dessus. J'ai grandi avec le folklore et la variété italienne et francophone (Belgique / France), avec forcément le mainstream de ce temps-là (qui était bien plus varié que maintenant : tu trouvais Guns'n Roses, Eros Ramazzotti, Dr Dre, Cap'n Hollywood et Oasis dans un même top 50). Je n'ai jamais réellement eu d'appréciation spécifique pour un style. Forcément, je ne connaissais pas, ou peu, l'underground de chaque style. J'ai eu juste de la chance d'avoir un père qui avait un goût pour la musique classique, les belles voix (Sinatra, King, etc), les groupes excellentissimes (Pink Floyd, Queen, Chicago) et son goût pour les musiques dites bien faites, complexes mais faciles d'intérêt.

A priori, il n'y a rien de très extrême ni très metal dans ces premiers contacts. Qu'est-ce qui t'as fait basculer du côté obscur ? Comment as-tu découvert le black metal par exemple ?

J'en ai écouté à un moment ou un autre comme ça pour rien, mais vers la fin des 90's, ce sont trois groupes : Marduk (le premier morceau de black metal que j'ai écouté  était Glorification of The Black God en 1996), Shape of Despair (Shades Of... en 2000) et Cradle of Filth. Ces trois groupes m'ont directement fait évoluer dans le black metal. Mais je n'avais pas trop le temps d'écouter ou autre, donc j'ai vite mis tout cela de côté pour travailler mes cours, etc. Quant à la découverte réelle de l'extrême, c'est après un traumatisme violent en 2003. J'avais besoin de violence mentale, et je me suis simplement ouvert l'esprit davantage, pas simplement à regarder comme ça pour rien. Plonger, comprendre. Et voilà.

Quel est historiquement ton premier groupe ? Et le premier album auquel tu as participé ?

En groupe complet où je ne suis pas seul : c'est Ithilien, groupe belge de folk / mélo métal extrême. Après, je n'y suis resté que très peu, n'ai fait que deux concerts et ai participé à un EP jamais sorti. Je considère Deviant Messiah comme mon premier " vrai " groupe en 2007. En premier véritable album avec ce groupe, si je ne compte pas la démo ni l'EP, je ne dirais rien avant le premier album de Maladie, Plague Within. En ce qui concerne les projets solos ou studios, YHDARL fut le premier vers 2006.



A te lire, ta personnalité semble se dessiner : solitaire, fuyant tes congénères... Comment te décrirais-tu ?

Ouais ça fait un peu typique non ? Je suis un grand paradoxe en fait : je suis un leader, mais en même temps sociophobe au possible. Je déteste le monde, les gens, l'ignorance mais ma seconde passion est d'aider les gens le plus possibleJe ne sais pas trop. Mais je sais que les extrêmes polarités font partie de ce que je suis.

Peut-on dire que pour toi, la musique agit comme une sorte de catharsis ? A ce titre, tu m'as avoué un jour que composer, jouer, dépassaient la simple passion et touchaient davantage à l'obsession. Que voulais-tu dire exactement ?

C'est un besoin vital, mais vraiment vital. Si je ne compose pas, ou ne serait-ce que de jouer quelque chose (guitare, basse, chant, etc), je me sens mal, rempli de malsain que j'ai besoin de sortir. J'ai essayé, ça a duré une semaine. Je devenais fou mais vraiment.

Tu reconnais ne pas avoir le temps d'écouter beaucoup de trucs. Ta vie n'est-elle pas justement une course contre le temps ?

Exact. J'ai réussi à passer mi-temps au boulot, donc j'ai davantage de temps, mais je ne fais que travailler la musique (pour moi ou en tant que producteur), et de planifier le tout parce que ce n'est pas rien. Mais le temps, oui, je l'ai de moins en moins.

On ne compte donc plus tes projets. Y-en a-t-il un qui te tient plus particulièrement à coeur ?

YHDARL. C'est vraiment tout ce qui est primaire et le projet qui me permet de me lâcher le plus. Directement, et sans réfléchir.


Parlons d'YHDARL alors. A la manière dont tu décris le projet, on a l'impression de quelque chose de très spontané. Pourtant, A Prelude To The Great Loss, notamment, a l'air extrêmement travaillé...

Je travaille sur plusieurs fronts avec ce groupe. Il y a effectivement des sorties beaucoup plus travaillées (Ave Maria,  APTTGL, etc) et d'autres qui sont beaucoup plus spontanées (The Essence I & II, les démos, etc). Pour le moment, je partage concrètement le projet avec pas mal d'ambiances différentes :

Le côté black metal beaucoup plus présent, comme sur APTTGL ou le prochain album Loss
Le côté ambient, expérimental, drone comme pas mal de morceaux dans les démos
Le côté doom extrême (Symbols of Blood, Humainly Sick)
Le côté doom ambient (Ave Maria)
Les improvisations et répètes (SCTISM, Closure, etc)
C'est bien plus qu'un seul style de musique en fait. Et j'aime ça.

Les pistes de chant sont ainsi particulièrement fournies. Comment les-as-tu élaborées ? Plusieurs invités figurent sur le EP. Avais-tu en tête des chanteurs précis pour tels passages ou ambiances ? Peux-tu détailler la participation de chacun d'entre-eux ?

Pour ces deux morceaux (APTTGL), j'ai envoyé les morceaux à Carter (Aevangelist) et Jon (ex-Aevangelist live) en leur laissant carte blanche complète, parce que ce sont non seulement des amis, mais ils " comprennent " le concept du projet. De là, j'ai appliqué ma voix et celle de Larvalis. Ensuite, j'ai fait intervenir Todor et Yavor de Dimholt vers les fins, parce que je n'appréciais pas quelques de mes voix, cela manquait de variation et au final, leur voix est juste parfaite. J'aurais dû y penser bien avant. En ce qui concerne Old, il a participé sur l'EP mais aussi sur l'album Loss en tant que bruitiste, chants, ambiances... et il a été parfait. Impressionnant de perfection.

Quelle est l'implication de Larvalis au sein de Yhdarl ?

Elle compose, est pianiste, lyriciste et aux voix aussi. Larvalis c'est une âme soeur qui comprend tout, c'était obligatoire qu'elle entre dans le projet. Il est vrai qu'elle n'est pas sur tous les enregistrements du groupe, mais ce n'est pas si grave. Lorsqu'elle débarque, c'est un peu la violence directe.

En effet, par sa grande diversité, YHDARL semble être à lui tout seul plusieurs projets à la fois ! C'est presque schizophrénique !

Ce n'est pas l'effet recherché, mais j'ai pas envie de créer (encore) 86 groupes parce que " le drone ça doit rester du drone "... C'est surtout intéressant de voir et de se rendre compte que pas mal de styles peuvent avoir une même ambiance (ambient doom, drone ambient, suicidal black metal, raw, etc).

Que souhaitais-tu exprimer avec ce EP ? Les deux titres qui le composent (sans compter le bonus) sont très différents l'un de l'autre, je trouve...

Ces deux morceaux sont plutôt expérimentaux, bien qu'ils aillent pas mal avec l'album qui arrive. Mais je voulais simplement faire un vrai " prélude " à l'album. Montrer plus ou moins ce qu'il va se passer, sauf que l'album est carrément plus... plus. Pas moins bien, juste " plus ". Je voulais tâter un peu, montrer aux gens aussi que " Salut, on fait du raw, mais aussi de la prod qui te fait regretter de pas avoir fait mixer ton album chez nous ". Je m'améliore, je veux que les gens le savent.

Comme son titre l'indique, il annonce un futur album baptisé Loss. Les deux ont-ils été composés et gravés en même temps ? Loss sera-t-il dans la veine ? Quand sortira-t-il ?

Loss a été composé avant, vers 2011. Il a été perdu 4 ou 5 fois, recomposé la même, etc. Ces deux morceaux de l'EP ont été composés vers 2013 / 2014, une fois installé en Bulgarie, une fois que j'étais un peu plus posé. Loss sera composé de trois morceaux, et sera beaucoup " dans la gueule ", si tu veux. La sortie est planifiée pour fin d'année, si tout va bien (parce rien ne va bien).

A ton avis, existe-t-il un lien entre ceux-ci, en dehors de ta seule présence physique ? Une noirceur commune par exemple ?

Pas forcément. Aurora Borealis n'est pas du tout dans la noirceur par exemple. Il est vrai qu'on peut retrouver mes thèmes lyriques dans ce que je fais en hip-hop, mais pas dans mon reggae, ou autres styles plus lointains du metal.



Tu touches à beaucoup de genres différents. Y en-a-t-il un que tu n'as pas encore abordé et auquel tu souhaiterais justement contribuer ? A contrario, y-a-t-il un style qui te rebute ?

J'aimerais toucher davantage au rap (moderne ou pas, mais old-school de préférence), au funk / jazz / blues bien groovy, y compris d'autres styles (trip-hop, expérimental, dub, ...). Il n'y a rien que je n'aime pas, en musique. Je peux moins apprécier parce que x ou y raisons (chanteur/euse, aucun feeling reçu, etc) mais il y a toujours quelque chose à retirer de chaque style de musique.

Comment composes-tu ? Quel est le point de départ d'une compo ? Sais-tu dès le départ pour quel projet est destiné tel morceau ?

Absolument pas. Je peux me forcer un trip spécifique (cf Ave Maria II, en cours de route) mais souvent cela commence en roue libre et je vois ce que cela devient. Parfois sur une idée de riff bien gras, je peux finir sur une déclinaison hip-hop bien meilleure, et l'inverse est possible aussi. Donc je pense que c'est un peu électron libre.

Peut-on dire que tu es un perfectionniste ? 

Oui et non. Je sais me dire " c'est tout. " aussi. Même si je vais le regretter... Mais il faut parfois se mettre des deadlines, sinon je retoucherais tout constamment et ne sortirais rien.

Durant toutes ces années, tu dois avoir accumulé un stock de chansons et maquettes proprement démentiel...

En chansons je ne sais pas, mais depuis 2006, j'ai compté quelque chose comme 117 sorties (démos, splits comptés). Ca fait pas mal, j'avoue...

Crois-tu qu'avec l'amélioration des techniques et la dématérialisation, une frénésie créative comme la tienne peut davantage s'exprimer ?

Carrément. Après c'est pas si génial que ça de bosser seul derrière un clavier. Je l'ai bien remarqué lorsqu'on a joué Thoughtscanning de We All Die (Laughing) en décembre dernier à Lille. Ca prend une toute autre dimension en live. Après pour ce qui est des problèmes principaux, donne-moi du temps et de l'argent, oui, puis on verra. C'est là tout le problème.

Concernant les phases d'enregistrement, as-tu ton propre studio ? Est-ce que sont des étapes qui t'intéressent particulièrement ? J'ai souvenir de musiciens que rien n'ennuyait plus que cela... Es-tu sollicité pour produire d'autres albums que les tiens ?

J'ai mon propre home studio qui est tout petit mais suffisant. Personnellement, j'enregistre et compose en même temps les 3/4 du temps. C'est devenu une habitude pour avoir déjà un son potable et pas du guitar pro. Oui, je produis d'autres albums dont je suis assez fier : Sordide sont venus chez moi depuis leurs débuts, Paramnesia qui m'ont demandé de remixer / remasteriser leur première sortie, LVTHN ou Cult of Erinyes de Belgique, Griffon de France, ...



Tu sembles toujours dire oui. As-tu déjà refusé des demandes ?

Des dizaines de fois.

Pour quelles raisons le plus souvent ? Tu écoutes, ça ne te plaît pas ? Pour des motifs extra-musicaux ?

Principalement, c'est le manque de temps et de pouvoir réellement m'investir. Ensuite, il peut y avoir aussi le problème de goût, si je n'aime pas trop, ou que cela ne m'apporte rien, etc. C'est déjà arrivé plein de fois que des groupes de DSBM veulent que je chante partout en gueulant à la YHDARL. Ca ne m'intéresse pas du tout. Ou des gens qui veulent que je rentre dans leur groupe pour qu'ils ne paient pas (ou moins) les coûts de production. C'est déjà arrivé aussi. Outre cela, je ne travaillerai jamais avec des gens qui ont des idéologies douteuses, comme tu peux l'imaginer.

Nombre de groupes rencontrent des difficultés pour sortir leurs productions, enchaînant les galères. Alors que pour toi, cela a l'air très facile...

Sortir quelque chose c'est possible s'il y a un budget de départ. Ensuite, tout est une question de savoir-faire de la promotion. Je déteste cela. Franchement. Quand tu penses, par exemple, qu'YHDARL existe depuis bientôt 10 ans et que je n'ai pas 2000 likes sur Facebook, pour les gens, c'est " lol ". Pour moi, c'est énorme, parce que je n'ai pas fait de promotion et ne compte pas en faire. Ce n'est pas ma vocation, du tout. Après oui, le fait de ne pas devoir payer de studio... Ca joue. Puis la chasse aux labels, ça me fait chier aussi.

Peux-tu dire quelques mots sur les projets suivants (je me limite au metal) : Imber Luminis, Slow, Sources Of I, Clouds, Vaer,  We All Die (Laughing). A propos de ce dernier, envisages-tu de poursuivre la collaboration avec Arno ?

Imber Luminis : J'avance lentement sur deux albums en même temps. Un qui a été fait sur impulsion il y a quelques mois (je dois écrire les paroles et les faire) / Un qui est en composition depuis au moins 3 ans. Je prépare aussi une compilation de vieux morceaux (encore, oui) à sortir sur bandcamp uniquement pour financer un peu le projet.

Slow : pour le moment, rien de nouveau. L'album le plus récent, Mythologiae, a de très bons retours et cela fait bien plaisir.
Sources of I : normalement, on attaque bientôt l'album.
Clouds : en plein recording du nouvel album en ce moment, et deux concerts planifiés (Novembre à Londres et Avril à Bucarest)
Vaer : en plein recording du nouvel album aussi !
WADL : lentement, j'essaie de composer quelque chose. Le problème c'est que Thoughtscanning sera, à mon avis, un album qui restera bien à part. Il m'est difficile de faire dans la même ambiance. C'est vraiment un morceau à part. Et oui, bien sûr, je continuerai à travailler avec Arno. C'est pas tous les jours que tu travailles avec une de tes influences en chant.
28) Pour les projets que tu partages avec d'autres êtres humains, comment ça s'est passé au départ ? Es-tu généralement à l'origine de ceux-ci ? Prenons par exemple WADL Comment est née la collaboration avec Arno ? J'estime d'ailleurs que c'est l'un de tes projets les plus attachants qui de loin peut surprendre si on s'arrête à ta face extrême mais qui en réalité s'inscrit parfaitement dans l'ensemble disparate qu'est ta discographie...

Bah ça dépend, en fait. Principalement, lorsqu'on a créé Deviant Messiah, ça s'est fait après que le groupe soit créé et qu'ils cherchaient un vocaliste. La même chose pour Maladie, quoique c'était un peu plus marrant : je ne devais faire que quelques lignes en Français, mais Björn a vraiment apprécié mon travail qu'il a voulu que je devienne chanteur constant. Pour Clouds, Daniel m'a invité et lorsque le groupe a explosé, c'est resté. Donc je suis bassiste et backing en live. Pareil pour God Enslavement, Björn m'a demandé si j'étais OK pour faire des samples, intros et compagnie, puis j'ai fini à composer un peu et à travailler des backings (je kiffe de jouer dans un groupe avec Vince & Adam, putain). Et puis récemment pour Black Sin, en session studio, même chose : simple demande, une écoute, et voilà. Pour WADL, j'avais composé le morceau même avant, que j'ai envoyé à Arno pour qu'il écoute ce que je faisais de varié, et il a adoré, et ça s'est fait comme cela. WADL reste quand même quelque chose de très à part, mine de rien. Le morceau de base a été forcément retravaillé avec Arno, le partage s'est fait naturellement (comme disait Arno : " on se connaissait et comprenait directement. ").


Tu vis désormais en Bulgarie. As-tu trouvé là-bas un cadre plus propice à la création qu'en Belgique et en quoi ce changement a-t-il été positif ?

Disons que j'ai trouvé une stabilité financière (aka : un boulot). Depuis peu, je travaille à mi-temps pour pouvoir faire de la production musicale le reste du temps. C'est quitte ou double : s'il y a des clients, c'est tout bonnard. Si pas, bah on mange des pâtes.

Et quid de la scène bulgare dont je dois reconnaître ne pas connaître grand chose, à part Tryst, qui m'a fait une très forte impression...

La scène bulgare est géniale. Mais vraiment. Elle est variée, dans tous les styles, et il y a tout plein de groupes vraiment excellent. Tu cites Trysth, qui sont des amis proches. Il y a aussi Dimholt, Vrani Volosa, Belgarath, Orenda, Bolg, Mytrip, As Orchids Wither, Badcast...

Pour terminer, j'aimerais évoquer avec toi ce que tu fais en dehors du metal.  Peux-tu citer quelques uns de ces projets ?

Je fais pas mal de musique d'ambiance (sombre ou pas) qui font partie de mon processus de guérison pour les gens. Certains morceaux se retrouvent dans ALENDA ou KHEL, d'ailleurs. Aussi, j'avais un collectif de hip-hop en Belgique. Forcément, il n'existe plus vu que je suis parti. Le groupe de reggae dont je faisais partie s'est aussi dissout. Je travaille régulièrement avec un ami ici pour faire une musique mainstream, entre soul, pop, rock, jazz, RnB (le vrai, pas la merde actuelle). Pas de projet réel d'ailleurs.

Le reste, c'est plutôt du one shot en fait. Un morceau trance, un morceau plus calme, des albums de piano... En fait, je touche à tout, mais je n'ai pas le temps de tout faire. Je me focalise sur le metal vu que ça " fonctionne ".

La musique est un monde quand même très cloisonné. Quelle notoriété as-tu dans ces domaines non metal ?

J'en sais trop rien. Je pense que pas mal de gens me connaissent via Imber Luminis, vu que c'est le projet qui fonctionne le plus, dira-t-on. Après oui, peut-être que pas mal de gens pensent que je suis un stakhanoviste de base, doué ou pas, je m'en balance en fait. Je fais ce que je fais et ça s'arrête là. Je reste entier dans ma musique et personnalité. C'est toujours plaisant, ceci dit, d'avoir des retours de gens, ou des " fans " qui se bougent 2000 km pour te voir (ça, c'était énorme). Mais je ne pense pas avoir un nom spécifique.

Je te laisse le mot de la fin...

CYFAWS


Slow | IV - Mythologiæ (2015)


Déhà n'est pas seulement un stakhanoviste, un Jess Franco du metal extrême dont l'œuvre est grosse comme le bottin. Artiste complet, il est surtout un touche-à-tout à l'aise dans tous les styles, du black au doom en passant par le dark (pour faire vite et en occultant les nuances qui existent à l'intérieur de ceux-ci) et ce, quand bien même une même noirceur infuse de chacun de ses projets et autres collaborations. Cette polyvalence, il la doit à sa capacité, aussi rare que précieuse, à toujours capturer ce qui fait l'essence, l'âme du genre qu'il décide de visiter, faisant corps avec celui-ci. Il suffit d'écouter Slow pour s'en rendre compte. Avec cette entité dont le simple nom en révèle déjà toute la pétrifiée teneur, le lascar désormais basé à Sofia, a gravé quatre offrandes depuis 2009. Macérant à l'origine dans les eaux troubles d'un ambient aux confins du drone, cette chose solitaire glisse aujourd'hui vers les rivages d'un doom funéraire de toute beauté, témoin ce "Mythologiae" monumental, autant dans la forme (cinq pistes de plus de dix minutes au garrot chacune pour une heure de douleur) que dans le fond, en cela que cette quatrième hostie, si elle ne réinvente pas cette chapelle, s'apparente à une véritable leçon, synthèse d'une musique qui porte la tristesse, la contrition, le regret, au rang d'art. Écrites à l'encre noire du désespoir le plus profond, des pièces telles que 'The Standing Giant' ou bien encore 'The Underground God' sont des perles du genre dont Déhà aligne tous les invariants (lenteur suffocante, ambiances sinistres, voix caverneuses...) avec un brio digne des plus grands. On pense bien entendu aux esthètes finlandais, Shape Of Despair en premier lieu mais aussi à la Sainte Trinité du UK Doom des années 90, pour ces guitares tissant une toile dont chaque fil est une note de mélancolie. L'œuvre a quelque chose d'un interminable - dans le bon sens du terme, s'entend - dédale plongé dans une obscurité vaporeuse à travers laquelle filtre toutefois de pâles rais de lumière qu'incarne le chant clair bien que parcimonieux du maître des lieux ('The Suffering Rebel'), fragile pinceau qui en atténue la noirceur. De fait, "Mythologiae", en dépit de son architecture monolithique, n'en demeure pas moins presque mélodique, gravitant au bord d'un gouffre de dépression sans jamais totalement s'abîmer dedans. Il s'agit donc encore une fois d'une réussite à mettre à l'actif du musicien qui accouche là d'une corde que tout bon masochiste ruminant son spleen se fera une joie de passer autour de son cou ... 4/5 (2015)


Sources Of I | Faces (2015)


A la différence de bien d'autres peintres de l'art noir qui comme lui sont pris de frénétiques diarrhées créatrices, Déhà ne compte pas parmi ces misanthropes reclus chez eux bricolant tout seul dans leur coin des rondelles par palettes entières, aimant au contraire mêler sa généreuse semence à celles d'autres êtres vivants. C'est pourquoi, à peine installé dans la capitale bulgare, l'homme s'associe déjà avec une poignée de musiciens du cru afin de former un nouveau projet, un de plus, dont le premier signe de vie vient encore grossir une discographie bourgeonnante. Sources Of I, c'est son nom, rassemble donc autour de notre cher multi-instrumentiste, des gars issus de groupes tels que Inspell ou Dimholt, inconnus chez nous mais jouissant semble-t-il d'une certaine réputation là-bas. Présent aussi bien devant (chant et basse) que derrière la console, Déhà leur apporte son savoir-faire, assurant de facto la réussite de cette plutôt prometteuse carte de visite. Maigre par son format car long d'à peine vingt minutes, Faces n'a pas besoin de plus pour témoigner du potentiel de ses géniteurs. Ainsi, en trois titres dégorgeant de grandes qualités de canevas aussi bien que d'atmosphères, ce EP esquisse un Black Metal que contaminent de mortifères kystes doom. Animé par trois pistes, le menu doit beaucoup à la première d'entre-elle, la meilleure du lot, la plus belle aussi, longue rumination de près de dix minutes au garrot et parfaite illustration d'une identité déjà fixée. 'Discrepancy Of Life' dévoile les atours d'un metal noir aussi malsain que sinueux dont l'architecture foncièrement dynamique trahit à la fois une écriture très élaborée et sa difficile définition. De fait, si le chant hurlé, les guitares pollués et la lenteur de certains aplats pourraient arrimer Sources Of I au courant DSBM, de multiples détails, à commencer par une dureté de traits et un tempo qui s'emballe sournoisement, viennent en partie infirmer cette impression. Ce que confirment ensuite le plus resserré 'Shadow Of The Stars' puis 'When You Will Close My Eyes', qui évoquent, de manière certes lointaine, le Shining originel (celui de Livets Ändhållplats), en plus mélodique quoique tout aussi froid dans son expression d'une négativité plus introspective qu'agressive. S'il n'est pas la progéniture la plus aboutie de Déhà, il n'en demeure pas moins que Sources Of I n'est pas qu'un simple projet de plus, ayant sa raison d'être et une personnalité réelle que déflore ce Faces dont la courte durée ne l'empêche pas d'être alléchant et d'annoncer ce faisant quelque chose de plus grand encore. (2015)


                                     

KröniK | Vaer - ... For So Many Reasons (2015)


Déhà mange t-il ? Dort-il ? Va-t-il aux petits coins ? Est-il même un être humain ? Pour quiconque s'est déjà penché sur la discographie bourgeonnante et bordélique du bonhomme, poser ces questions n'est pas absurde tant ce dernier semble ne jamais se reposer, artiste fécond auquel un projet ne saurait suffire à rassasier la soif de création et ce, d'autant plus que le spectre de son inspiration peut parfois lui faire faire le grand écart. Quel rapport en effet entre We All Di (Laughing) et Ydharl par exemple ? Toujours prêt à collaborer avec d'autres musiciens aussi épris de liberté que lui, le voir lier son ADN à celui de Daniel Neagoe dans le cadre de cette nouvelle entité qu'est Vaer, ne surprend pas tant que cela. Pour deux raisons au moins. Aussi stakhanovistes l'un que l'autres, les deux lascars se connaissent bien pour avoir déjà partager les crédits de nombreux efforts, de "Doliu" (Clouds) à "Fortitude.Pain.Suffering" (Deos) en passant par "The Deceit" (Eye Of Solitude). Surtout, une véritable osmose parait les unir, communion artistique aux couleurs noires du désespoir le plus total. Du coup, qu'ils aient décidé d'exploiter la veine dépressive du Black Metal n'étonne pas davantage tant ils ne peuvent qu'y puiser le terreau fertile à leur spleen coutumier. Ceci étant, ce (sous) genre peine désormais à nous procurer des frissons masochistes. Les cordes, les vraies, celles qui vous meurtrissent le cou, y sont de plus en plus rares cependant que les frontières entre DSBM, Shoegaze et Post Black tendent à se faire pour le moins poreuses, ce qui n'est pas forcément une bonne chose. Cherchant sans doute aussi à se faire plaisir, Vaer s'enfonce tête la première dans cette nasse de tristesse. Mais ses deux membres étant ce qu'ils sont, sa première offrande réussit avec intelligence à se jouer des clichés, à exploiter tous les invariants de ce style très codifié pour mieux les transcender. Entre les mains de médiocres corbeaux, cela aboutit (trop) souvent à un art vidé de sa substance sinon de son âme. Entre celles d'artistes, des vrais, au contraire, c'est une partition douloureusement belle qui s'échappe de cet humus funèbre. La grande force de "For So Many Reasons" réside dans sa capacité à réciter le credo qu'il respecte à la lettre, des voies écorchées aux longues complaintes qui toutes s'étirent bien au-delà des 10 minutes au jus, tout en réussissant l'exploit de le métamorphoser, de transformer le quelconque en une oeuvre aussi rare que précieuse. Il faut entendre Déhà et Daniel renvoyer à leurs chères études tous les suicidaires du dernier rang avec un titre tel que 'Left In The Cold', sorte de leçon de Post black dépressif. Et que dire de 'Beneath The Shade Of Time', ode désespérée superbe dans sa douleur suppliciée. Sans chercher à renouveler le DSBM, Vaer parvient pourtant à lui redonner une part de son  lustre mélancolique, écaillé avec le temps et la médiocrité. Ce faisant, il accouche avec une facilité naturelle d'un album presque définitif, autant hommage que synthèse. Mais pouvait-on en attendre autre chose de la part de ce brillant tandem ? 3.5/5 (2015)