AU PIF

KröniK | The Gathering - The West Pole (2009)


Anneke n'a pas quitté The Gathering. Telle est la vérité qui semble sauter aux oreilles une fois The West Pole, le nouvel album des Hollandais, avalé par la chaîne hifi. Pourtant, on le sait, il n'en est rien. Mais en jetant leur dévolu sur la norvégienne Silje Wergeland, dont on a très souvent comparé la voix avec celle qu'elle remplace désormais, les frères Rutten ont donc décidé de ne pas prendre de risques, ce qui est surprenant, eux qui nous ont toujours habitué aux surprises justement, à changer de peau à chaque nouvelle offrande. Le départ - étonnant - d'Anneke leur permettait de tenter des choses inédites, d'emprunter une voie(x) vierge. Recruter la chanteuse de l'excellent Octavia Sperati est ainsi à la fois un bon et un mauvais choix. Bon, car, la jeune femme a du talent et une personnalité. Mauvais parce qu'il prive - Silje n'y est du reste pour rien - The Gathering de la possibilité de renouveler sa palette sonore. Mais peut-être qu'une voix trop différente de celle de miss van Giesbergen n'aurait simplement pas convenu... Succédant au crépusculaire Home, sorti il y a déjà trois ans, The West Pole est à l'image de ses aînés : il arbore une fausse simplicité tout d'abord dommageable... et surtout trompeuse, qui explique pourquoi beaucoup jugent le groupe sévèrement, le trouvant pauvre musicalement (on se souvient par exemple des propos de Arjen Lucassen en 1998 lors de la promotion de Into The Electric Castle et qui regrettait que Anneke, qui participait au projet, fasse partie de ce groupe). Mais à l'instar de nombre de pièces majeures, ce neuvième opus dévoile ses richesses - immenses - que peu à peu, à force d'écoutes répétées. Moins trip hop que Souvenirs, moins noir que Home, The West Pole est en fait tout simplement un superbe disque de rock atmosphérique, musclé parfois ("Treasure", "No One Spoke"), émouvant et plein de finesse toujours ("Capital Of Nowhere"...) et sur lequel plane parfois l'ombre du révéré Nighttime Birds (1997), comme l'illustre l'aérien et émotionnel "No Bird Call". Et si sa patte est reconnaissable entre mille, notamment à travers le jeu des deux frangins, le groupe drape sa musique d'un voile cependant plus progressif que habitude. Les claviers, qui ne sont parfois pas sans évoquer les grandes heures du King Crimson des débuts (le gigantesque "A Constant Run" qui fera jouir ceux estimant - à raison - que les Bataves ont atteint leur apogée avec How To Measure A Planet ?) participent notamment de cette influence. Et Silje, me direz-vous ? Comment est-elle ? Très bien. Forcément. Grâce aux albums gravés avec Octavia Sperati, on savait qu'elle était capable d'incarner la nouvelle voix de The Gathering mais on la découvre plus impressionnante encore car elle parcourt un spectre vocal bien plus vaste que ce qu'elle avait offert jusqu'à présent. Et puisque l'on est bien obligé de les comparer, on peut dire que son chant est certes très proche de celui d'Anneke, avec lequel il partage une forme de fragilité, néanmoins la Scandinave dégage une fébrilité qui n'appartient qu'à elle, témoin ces perles écrites à l'encre d'une vie grise et triste que sont " The West Pole", "You Promised Me A Symphony" et surtout le déchirant "Pale Traces", beau comme un chat qui dort. Alors que nombreux sont ceux qui doutaient de la capacité des Hollandais de survivre au départ de leur charismatique chanteuse, contre tout attente, ils viennent pourtant de relever le défi et de la plus belle des manières. The West Pole se révèle être une réussite exemplaire, un de leurs meilleurs albums, riche de très grands moments ("All You Are") et qui ouvre pour ses géniteurs un avenir bien plus radieux qu'on ne le croyait il y a encore quelques mois de cela. 4/5 (2009)


                                   

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire