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Valve | Apnée (2015)


S'abîmer toujours plus profondément, s'enfouir dans les ténèbres des fosses marines les plus inaccessibles, là où l'homme n'a encore jamais osé s'enfoncer, où toute trace de lumière est absente, royaume d'un noir d'encre éternel, est le mot d'ordre que semble s'être donnés des musiciens désireux de repousser encore et toujours d'infranchissables limites. Ces français font partie de ceux-ci. Tout dans ce groupe évoque des images de monde vicié, étouffant, au bord de l'asphyxie, porteur d'une souffrance inexorable. De fait, « Apnée », première exploration sonore, préparée par une simple démo trois ans plus tôt, porte franchement bien son nom en cela qu'elle en dit de toute façon plus long que toutes les analyses et les descriptions sur un contenu qu'on devine suffocant. Lourd. Forcément (très) lourd. Le groupe sculpte au burin un matériau qui vibre d'un tension hallucinée, bloc massif que secouent les coups de boutoir de plaques tectoniques qui se chevauchent et dont les racines noueuses, tentaculaires, creusent de monumentales galeries dans les profondeurs de la terre. Entre Sludge pétrifié et Post Hardcore apocalyptique, cet opus a quelque chose d'un bathyscaphe oppressant qui sombre dans une obscurité tellurique, descente sans fin que rien ne vient à aucun moment freiner. Seule la courte plage, 'Odds', permet de souffler, de remonter à la surface afin de reprendre son souffle, manière de miraculeuse respiration avant de replonger de plus belle dans les entrailles de l'indicible. Valve imprime une violence à la fois rentrée et furieuse, tendue et impétueuse, tout du long de cet album fait de cinq pistes aussi douloureuses que tentaculaires, gravitant toujours au bord d'un précipice, intimité obscure aux lèvres béantes. D'entrée, 'Lapsit Ex Illis' écrase tout sur son passage, serrant un étau jusqu'à l'asphyxie, pulsation torrentielle emportée par des rouleaux de batterie qui viennent s'écraser contre une falaise cyclopéenne qu'érigent des guitares épaisses comme des câbles à haute tension cependant que le chant vomit une haine féroce.  Suivent deux titres plus courts, l'épicentre instrumental déjà citée et l'éponyme 'Apnée', qui explose d'une rage bruitiste aux confins de la cacophonie en une orgie ferrugineuse. Avant de s'achever sur le terminal '777', cauchemar sonore d'une éprouvante noirceur, il y a le gros morceau (à tous les points de vue) de l'écoute, 'Une carcasse vide de vie et de sens' qui, du haut de ses treize minutes au jus, évoque les Suédois d'Abandon, plainte Doomcore aux allures de démentiel Golgotha. Valve n'accouche pas uniquement un de ses méfaits qui laissent de profondes crevasses dans la chair et la mémoire mais surtout d'un leviathan de souffrance, sévère et monumental. (2016)


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