Nonobstant des qualités réelles sur lesquelles nous reviendrons et que de nombreux fans du groupe se refusent encore à admettre, Born Again ouvre pourtant une période sombre, pour ne pas dire chaotique, dans sa carrière qui ne prendra fin qu’avec le retour d’Ozzy Osbourne dans le giron maternel en 1997, tunnel tortueux que le come-back éphémère de Dio entre 1991 et 1992 ne brisera pas vraiment. Lorsque le lutin décide en 1982 de prendre ses cliques et ses claques pour diriger (enfin) sa propre formation, tout le monde se demande qui va lui succéder au sein du Sabbath Noir. La petite histoire veut que ce soit lors d’une soirée durant laquelle Tony Iommi, Geezer Butler et Ian Gillan ne se sont pas contentés de boire de l’eau minérale que l’union avec l’ancien chanteur de Deep Purple, alors en panne de succès depuis longtemps et en attente de la reformation prochaine du dinosaure, ait été scellée (!). Si, à l’annonce de cette nouvelle, il était permis de trouver cette alliance sinon mauvaise au moins assez curieuse, le timbre de Gillan étant très différent de celui de ses deux prédécesseurs, à l’arrivée, Born Again, le fruit de ce mariage étonnant, s’impose comme un très grand disque, habile synthèse entre les ambiances sinistres des premiers opus et la lourdeur tellurique du dernier Dio. Bénéficiant en outre du retour du batteur prodigue Bill Ward, débarrassé - pour un temps seulement - de son addiction à l’alcool, Black Sabbath n’a alors jamais sonné aussi noir et écrasant. Précurseur du Doom, il annonce même avec l’infernal "Zero The Hero", monumentale pièce longue de près de huit minutes, les excavations caverneuses que le genre sculptera à partir des années 90. Si toutes les oreilles sont (forcément) braquées vers la performance du chanteur, moins catastrophique que prévue mais dont on préfère tout de même admirer le talent chez Purple, il faut louer le jeu plus abyssal que jamais de la paire Iommi/Butler qui plonge Born Again dans une mine de charbon qu’aucune lumière n’atteint. Même la ballade éponyme, douloureusement malsaine, est recouverte d’un suaire lugubre. Mais, entre un Bill Ward rapidement remplacé par Bev Bevan (ex Electric Light Orchestra), un décor de scène gigantesque, reproduction de Stonehenge démentielle qu’aucune salle de concert n’est suffisamment spacieuse pour accueillir, et un Gillan victime de trou de mémoire et qui, les tournées une fois achevées, quitte comme prévu le groupe pour participer à la résurrection attendue du Pourpre Profond, cette incarnation sabbathienne sera vite avortée. Unique témoignage de ce line-up improbable, Born Again est certes inégal car parasité par deux instrumentaux dispensables ("Stonehenge" et "The Dark") et les peu réussis "Digital Bitch" et "Hot Line", et pâtissant d’un mixage malheureux, il est néanmoins enténébré par quelques compositions hallucinantes ("Trashed", "Disturbing The Priest"….) et une atmosphère pesante et cryptique bien rendue. Jusqu’à Dehumanizer, le groupe ne fera pas mieux… 4/5 (2010)
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