AU PIF

Green Oracle | S/T (2019)



















Cela démarre à la manière de 'Shine On Your Crazy Diamond', comme la brume qui se lève au petit matin. Cela pourrait être un énième tribute à Pink Floyd mais il s'agit en réalité de 'Please', première des trois pistes remplissant le galop d'essai éponyme de Green Oracle, nouvelle signature du label Argonauta Records.

Le trio vient d'Italie, une terre que nous ne pensions pas aussi fertile en doom et en stoner, même si c'est oublier un peu vite le tutélaire Ufomammut. Mais, avec les productions vidangées par Heavy Psych Sounds, l'écurie de Gabriele Fiori (Black Rainbows, The Pilgrim), on ne cesse de découvrir, depuis quelques années, nos voisins en bûcherons fumeurs de pipe à eau. Ce qui fait le bonheur des aficionados du son velu. Mais quel rapport avec Green Oracle qui s'offre à nous sous les traits nébuleux d'un rock floydien ? En réalité, le progressif planant qui nimbe tout d'abord l'écoute de cet opus inaugural cède tout doucement la place à un canevas plus tendu, plus rocailleux sans que cette influence originelle ne s'efface jamais vraiment tout du long de ces trois compositions épiques qui toutes tutoient les vingt minutes au compteur, cependant que les mélopées féminines de Giulia Mannocci nous font songer à 'The Great Gig In The Sky', quoique d'une façon lointaine ('Hallucinogens').

Définir les Italiens comme du Flamand Rose version enclume apparaît pourtant pour le moins réducteur tant leur partition enjambe allègrement des frontières en s'affranchissant des codes de tel ou tel genre. Certes, ces guitares désertiques et cette rythmique argileuse appartiennent au stoner doom, certes, ces échappées spatiales rappellent le rock psyché des années 70 mais la démesure dont fait preuve Green Oracle, son caractère essentiellement instrumental et sa dimension presque tribale ('Do'), hissent cet album vers des cieux inexplorés. Le trio nous convie à un happening sonore à la fois hypnotique et terreux, atmosphérique et plombé qui se vit comme une exploration mystérieuse. Furieusement progressif dans l'âme, chaque titre est une aventure à lui seul durant laquelle on devine que tout peut arriver, bloc aux multiples facettes dont les entrailles sont mitées par un labyrinthe tentaculaire. Généreuse, cette musique a quelque chose d'un puissant magma creusant un sillon sinueux à travers le désert, vibrant d'une force quasi mystique. Malgré la liberté qui guide les musiciens, on sent que leurs compos progressent vers une issue qui doucement se dévoile au gré des ajouts qui les enkystent peu à peu. Si on ne sait pas toujours bien où ils veulent en venir, où ils veulent nous conduire, à l'image de 'Do' dont la première moitié chamanique ne nous prépare pas à un second pan à la fois tellurique et lunaire, ils réussissent à jamais égarer le pèlerin, ferré par la beauté énigmatique d'un matériau finalement insaisissable. Entre doom tribal et progressif stellaire, Green Oracle signe un premier album passionnant de bout en bout que seules de nombreuses pénétrations dans sa brûlante intimité permettent d'en goûter l'envoûtante richesse. prog qui fore la croûte du doom (10.06.2019)

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