AU PIF

KröniK | Drudkh - Estrangement (2007)


Le rapport que l’on entretient avec un disque dépend souvent beaucoup du contexte qui a accompagné sa découverte. Ainsi, le jour où j’ai acquis Estrangement, est aussi (et surtout) celui qui m’a vu déclarer ma flamme à ma belle. De fait, cet album draine en moi des souvenirs pour lesquels le mot bonheur semble encore bien trop faible, sans saveur. Témoin sonore de cet heureux moment, son écoute sera à tout jamais associée à cette journée pivot de ma vie. Pourtant, on ne peut pas dire que la musique des Ukrainiens corresponde à l’idée que l’on se fait du romantisme ou de la guimauve. On en est même très loin.
Etrange situation donc qui a voulu que cette offrande, qui permet au groupe, après une pause acoustique déchirante de beauté (Songs Of Grief And Solitude), de renouer avec le black haineux et tout aussi désespéré de ses débuts, s’impose malgré elle comme la bande-son d’un des instants de mon existence parmi les plus enjouées. Pour Roman SaeNko, Drudkh a toujours été le réceptacle de sa profonde mélancolie, de son mal être, expression atmosphérique et païenne d’un Art noir lent et habité qui ne se contente pas, en dépit d’un humus identique, de braconner dans les méandres du légendaire Burzum contrairement à trop d’imposteurs grimés à la truelle, alors que (feu) Hate Forest reste le vecteur de sa haine et d’une idéologie aryenne qu’il a depuis essayé d’atténuer quelque peu. Sixième cuvée (déjà)  du projet, Estrangement affiche quatre titres seulement, dont les trois premiers dépassent tout de même les 10 minutes. “ Solitary Endless Path ” est une entame magnifique. Après une intro emportée par une explosion rythmique, les riffs ruisselant de tristesse guident cette complainte douloureuse à travers un lacis de sentiments noirs et tragiques,  parfois colériques (le chant écorché y est pour beaucoup). Comme souvent avec Drudkh, le titre s’achève sur un final instrumental d’une beauté à vous tirer des larmes. Plus lancinant, “ Skies At Our Feet ” sonne comme un cri de désespoir, une résignation absolue. On ne peut sortir indemne de l’écoute d’une telle pulsation dépressive. Bien que plus rapide, “ Where Horizons End ” se nourrit du même terreau, paysage d’une désolation terminale, d’une décrépitude poisseuse, avant de céder la place à “ Only The Wind Remembers My Name ”, instrumental assez court où les lignes de guitares tissent des mélodies obsédantes puis s’envolent dans un ciel obscur chargé de nuages. Immense, superbe et toujours aussi poignant. Encore un très grand disque de la part de Roman Saenko qui a su peu à peu imposé son style d’écriture, son identité, dressant haut le drapeau du black metal d’Europe de l’Est. 3.5/5 (2008)


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