Les vieux ont la peau dure. Ainsi, alors qu'il pourrait prétendre à une retraite bien méritée, affichant bientôt trente ans de carrière au compteur, malgré une carrière mitée par de brusques arrêts dans les années 90 et une mise en sommeil longue de presque sept ans entre 2000 et 2007, Asphyx est toujours là, prêt à en découdre, jadis pionnier et désormais vétéran de la scène death metal hollandaise. Loin d'une entreprise nostalgique à la mode, son retour aux affaires avec "Death... The Brutal Way" a été couronné de succès, arborant une vigueur digne d'un jeune puceau, confirmée trois ans plus tard par un "Deathhammer" (2002), tout aussi sanglant. Bolt Thrower désormais dans la tombe, le groupe reste le maître de ce metal de la mort sévère et lourd comme un Panzer auquel de jeunes hordes ne cessent de rendre hommage, aussi bien en Allemagne (Deserted Fear) qu'en Finlande (Decaying), qui n'hésitent pas à singer le chant guttural de Martin van Drunen, clé de voûte de cette cathédrale massive qu'il n'a pourtant pas fondée puisqu'il ne l'a rejointe qu'en 1990 après avoir quitté Pestilence avec lequel il a gravé les matriciels "Malleus Maleficarum" et surtout "Consuming Impulse". Mais du line-up classique, à l'origine de "The Rack" (1991) et "Last One On Earth" (1992), il ne reste plus que lui. Le guitariste Eric Daniel n'a pas participé à la résurrection de 2007 cependant que le batteur Bob Bagchus a quitté les Bataves il y a deux ans. Par conséquent, Asphyx est devenu le groupe du chanteur, secondé qui plus est par ses comparses au sein de Hail Of Bullets (le gratteux Paul Baayens) et Grand Supreme Blood Court (le bassiste Alwin Zuur). Ce dont on ne se plaindra finalement pas tant sa voix aussi caverneuse qu'inimitable procure toujours autant de frissons. "Incoming Death" en constitue la parfaite illustration en même temps que le granitique cénotaphe. Il faut le voir (ou plutôt l'entendre) vomir ses viscères qui tapissent les parois de ces onze titres aux allures de pesants bunkers battus par le vent et le froid de la Mer du Nord. Contre toute attente, les Hollandais violents déboulent avec 'Candiru', la cartouche la plus saignante du lot soit deux minutes et quarante secondes d'un blitzkrieg dont la vélocité ne l'empêche pas d'affoler le compteur Geiger, manière de démontrer d'entrée de jeu que ses géniteurs n'ont toujours pas besoin de Viagra pour dresser fermement une brutalité minérale. Si le titre éponyme, plus court encore, est fait de ce même bois atrabilaire, l'essentiel du menu s'abîme dans les entrailles d'un charnier, prisonnier d'une gangue sanguinolente de chair dure comme le béton, quand bien même le tempo tente de s'emballer sur un 'The Feeder' imparable, cependant que 'It Came From The Skies' imprime une cadence digne d'un rouleau-compresseur lancé à vive allure et moissonnant les cadavres. Asphyx n'invente peut-être rien mais l'alliage de plomb rocailleux et de viscères fumants qu'il régurgite se révèle être d'une puissance de feu hallucinante, à faire trembler les murs, témoins des grenades de l'acabit des 'Division Brandenburg' ou 'Wardroid'. Et quand "Incoming Death" s'enfonce d'une marche supplémentaire dans les profondeurs pétrifiées ('The Grand Denial'), l'orgasme pointe le bout de son manche, ravagé et intense. Du haut de ses plus de huit minutes au garrot, le terminal 'Death : The Only Immortal' renvoie à ce sujet tous les apprentis spéléologues à leurs chères études, véritable leçon de lourdeur guerrière dont les racines pierreuses se confondent avec ces guitares qui creusent au burin des cavités d'où suinte un désespoir blafard. Et au final, il est permis de se demander si Asphyx ne vit tout simplement pas actuellement son apogée car cet album se hisse au sommet de son oeuvre. 4/5 (2016)
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