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The Great Old Ones | Cosmicism (2019)



















Une question pour commencer : comment The Great Old Ones parvient-il à enfanter tous les deux ans (ou presque) des albums aussi denses et vertigineux sans jamais se répéter, peaufinant au contraire à chaque fois un peu plus son art ? 

Le mystère reste entier, à l'image de l'univers de Howard Philip Lovecraft dans lequel le quintet puise son fertile terreau. Rares sont les groupes français de black metal à avoir su se faire un nom au point de devenir des références. Sans remonter aux Légions noires, on peut citer, dans des (sous) genres différents, Deathspell Omega, Belenos et, pourquoi pas, The Great Old Ones. Même s'il est très bien chez Season Of Mist, il est permis de se demander pourquoi celui-ci n'a pas encore rejoint des écuries telles que Century Media ou Nuclear Blast. Il détient le potentiel pour cela. Et ce n'est pas "Cosmicism" qui devrait briser son ascension. Si ses devancières, "Al Azif", "Tekeli-Li" et "EOD : A Tale Of Dark Legacy" formaient les marches successives d'un corridor s'abîmant dans les entrailles de la terre jusqu'à l'indicible, cette quatrième offrande voit ses créateurs s'extirper de ces profondeurs hallucinées pour arpenter des territoires plus cosmiques quoique toujours frappés du sceau d'une horreur aussi viscérale que charnelle. Son remarquable visuel (comme toujours), que signe l'indispensable Jeff Grimal, illustre parfaitement cette dimension astrale dont le caractère plus atmosphérique ne bride en rien la noirceur tentaculaire. Les créatures les plus effroyables se nichent dans les replis mélodiques voire évanescents de compositions labyrinthiques.

Plus qu'à un texte en particulier du reclus de Providence, The Great Old Ones s'inspire cette fois-ci de son univers en général, de sa philosophie. Ce qui lui commande une œuvre de prime abord moins oppressante sans doute, encore que 'Lost Carcosa' ou le terminal 'To A Dreamer' naviguent en pleine démence, mais plus belle certainement. Plus désespérée surtout, témoin de la solitude et des tourments de l'écrivain. Les lueurs sinistres qui suintent de 'A Thousand Young' aux relents du vieux Shining ou l'agonie pétrifiée de 'Nyarlathotep' poussent le black metal des Français dans les orifices d'un doom funéraire et douloureux. Une beauté tragique s'écoule comme jamais de ce matériau cyclopéen à l'image du torrentueux 'The Omniscient' qu'enjambe un pont tout en atmosphères tristes et engourdies, cependant que 'Dementia' se montre bouleversant, irrigué par des guitares déchirantes, empreintes d'un inexorable désespoir. Mais comme le démontre le furieux 'Dreams Of The Nuclear Chaos', le groupe sait toujours se faire le peintre d'une épouvante brutale et menaçante. Coincé entre deux excavations portées sur les ambiances, ce titre n'en est que plus cruel. Fidèle à son identité, The Great Old Ones n'en livre pas moins avec "Cosmicism" un album différent de ses prédécesseurs, plus atmosphérique et émotionnel mais non moins cauchemardesque dans sa lecture de la galaxie lovecraftienne dont il ausculte les zones les plus mystiques. (06.10.2019 | Music Waves)

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