Froid et cérébral, "Frigthened" est à l'image de ses auteurs, musiciens chevronnés, réunis en un laboratoire sonore sombre et progressif
Voices fait partie de ces formations au style difficile à cerner. Si le fait que les trois-quarts de ses membres soient issus des rangs d'Akercocke nous éclaire quant à la nature sombre et évolutive de son art, cela ne rend pas pour autant facile son identification. Des racines black metal de ces musiciens qui par ailleurs ont tous promené leurs guêtres aussi bien du côté de My Dying Bride (le batteur David Gray) que de Pantheist (le chanteur et guitariste Peter Benjamin), on ne décèle quasiment rien, si ce n'est quelques blasts et de parcimonieuses vocalises abyssales ou écorchées ('Dead Feelings'). Le ton est noir néanmoins, presque déprimant.
On devine à l'écoute de "Frightened", troisième exploration des Britanniques, que gaieté et lumière ont été éconduites d'un menu ancré dans une urbanité froide et aliénante. Parler d'extrême progressif serait donc plus juste pour qualifier une partition virtuose et alambiquée tavelée de touches darkwave - témoin la superbe amorce 'Unknown' - voire presque electro ('Evaporated'). Le Paradise Lost le plus décrié et expérimental rôde parfois à l'horizon même si les structures se révèlent ici bien plus labyrinthiques. D'une fulgurante richesse, le successeur de "London" (2014) semble s'éparpiller, partir dans toutes les directions, à l'image de ce curieux 'IWSYA', au demeurant très réussi, qui commence comme une plainte grave aux arrangements squelettiques avant de voir son rythme s'emballer brusquement et s'achever tout aussi soudainement. Comme sur tout le reste de l'album, le chant est tantôt clair ou hurlé, d'une tessiture gothique parfois mais toujours profond. Emporté par des rouleaux de batterie furieux ou hypnotiques, vrillé par des guitares tordues, "Frightened" ne file jamais droit, rongé qu'il est par une lèpre sournoise, un peu à la façon de Code et de tout un pan de la scène extrême norvégienne, avec en sus cette mélancolie pluvieuse très anglaise dans l'âme. Construit sur un maillage particulièrement dense et ramassé, chaque titre grouille de détails, empilant les strates en une géologie compliquée. Arpèges dépouillés ('Fascinator'), claviers brumeux ('Funeral Day'), riffs déglingués ou basse jazzy ('Home Movies') jalonnent un opus aux allures de dédale sinueux englué dans une noirceur âpre et funèbre où des ambiances douces-amères ('Sequences') côtoient une dureté de traits ('Manipulator'). Une espèce de beauté glaciale suinte tout du long de cette surface grise et austère que lézarde une folie rampante. Froid et cérébral, "Frigthened" se révèle donc à l'image de ses auteurs, difficile à cerner, autant capable de séduire que de déstabiliser, œuvre de musiciens chevronnés, réunis en un laboratoire sonore sombre et progressif. (22/04/2018)
Voices fait partie de ces formations au style difficile à cerner. Si le fait que les trois-quarts de ses membres soient issus des rangs d'Akercocke nous éclaire quant à la nature sombre et évolutive de son art, cela ne rend pas pour autant facile son identification. Des racines black metal de ces musiciens qui par ailleurs ont tous promené leurs guêtres aussi bien du côté de My Dying Bride (le batteur David Gray) que de Pantheist (le chanteur et guitariste Peter Benjamin), on ne décèle quasiment rien, si ce n'est quelques blasts et de parcimonieuses vocalises abyssales ou écorchées ('Dead Feelings'). Le ton est noir néanmoins, presque déprimant.
On devine à l'écoute de "Frightened", troisième exploration des Britanniques, que gaieté et lumière ont été éconduites d'un menu ancré dans une urbanité froide et aliénante. Parler d'extrême progressif serait donc plus juste pour qualifier une partition virtuose et alambiquée tavelée de touches darkwave - témoin la superbe amorce 'Unknown' - voire presque electro ('Evaporated'). Le Paradise Lost le plus décrié et expérimental rôde parfois à l'horizon même si les structures se révèlent ici bien plus labyrinthiques. D'une fulgurante richesse, le successeur de "London" (2014) semble s'éparpiller, partir dans toutes les directions, à l'image de ce curieux 'IWSYA', au demeurant très réussi, qui commence comme une plainte grave aux arrangements squelettiques avant de voir son rythme s'emballer brusquement et s'achever tout aussi soudainement. Comme sur tout le reste de l'album, le chant est tantôt clair ou hurlé, d'une tessiture gothique parfois mais toujours profond. Emporté par des rouleaux de batterie furieux ou hypnotiques, vrillé par des guitares tordues, "Frightened" ne file jamais droit, rongé qu'il est par une lèpre sournoise, un peu à la façon de Code et de tout un pan de la scène extrême norvégienne, avec en sus cette mélancolie pluvieuse très anglaise dans l'âme. Construit sur un maillage particulièrement dense et ramassé, chaque titre grouille de détails, empilant les strates en une géologie compliquée. Arpèges dépouillés ('Fascinator'), claviers brumeux ('Funeral Day'), riffs déglingués ou basse jazzy ('Home Movies') jalonnent un opus aux allures de dédale sinueux englué dans une noirceur âpre et funèbre où des ambiances douces-amères ('Sequences') côtoient une dureté de traits ('Manipulator'). Une espèce de beauté glaciale suinte tout du long de cette surface grise et austère que lézarde une folie rampante. Froid et cérébral, "Frigthened" se révèle donc à l'image de ses auteurs, difficile à cerner, autant capable de séduire que de déstabiliser, œuvre de musiciens chevronnés, réunis en un laboratoire sonore sombre et progressif. (22/04/2018)
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