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KröniK | Tuesday The Sky - Drift (2017)


En dépit de ses plus de trente-cinq ans de carrière au compteur, Jim Matheos est un musicien qui continue de nous fasciner, pionnier du metal progressif avec Fates Warning dont les escapades aventureuses hors du giron familial et hors des sentiers battus se révèlent tout autant - voire plus - passionnantes encore que les mètres-étalons qui jalonnent l'œuvre de son principal port d'attache.
Les quatre albums gravés avec le tout aussi fascinant ancien claviériste de Dream Theater, Kevin Moore, sous la bannière d'un O.S.I. pour le moment en sommeil, le "Sympathetic Resonance" qui lui permet de retravailler avec John Arch, premier chanteur de Fates Warning, sans oublier sa contribution au "Emergent" de Gordian Knot, incarnent le versant parallèle d'une carrière imprévisible où le genre auquel il est arrimé semble devenir secondaire au détriment d'une démarche artistique de plus en plus expérimentale. De fait, s'il ne se départira jamais d'une signature aisément identifiable, tant dans l'écriture que dans le son à la fois lourd et furieusement déglingué de sa guitare travaillée de l'intérieur par des forces noires, on ne sait jamais à l'avance où son inspiration va nous entraîner. "Dirt" en constitue l'exemple parfait, acte de naissance de Tuesday The Sky, son nouveau projet solitaire. Son point de départ est un titre bonus dans une veine ambient composé pour enrichir le menu de "Theories Of Flight", dernier opus en date de Fates Warning. Trop éloignée du registre progressif, cette piste a été laissée de côté mais a donné envie au guitariste de s'aventurer dans cette voie. Pour cela, il s'entoure du batteur de God is An Astronaut, Lloyd Hanney, du fidèle Kevin Moore, qui n'est jamais bien loin et de la chanteuse Anna-Lynne Williams. La présence de cette dernière ne doit pas vous tromper, sa collaboration se limite à quelques lignes éthérées le temps de deux titres au sein d'un ensemble instrumental que hantent de fugaces voix parlées et non chantées. Si la six-cordes vrombit avec les traits appuyés dont le maître des lieux a le secret, témoin le puissant 'It Comes In Waves', "Drift" pourra surprendre sinon décevoir par sa tessiture atmosphérique et ses modelés plus vaporeux que heavy. Point de metal à l'horizon ni même de progressif mais à la place une bande-son ambient et hypnotique qui n'est parfois pas sans rappeler Chroma Key, le jardin secret de Kevin Moore ('Roger Gordo'), voire les travaux de Brian Eno ou de Robert Fripp, en (bien) plus accessible cependant. Lumineux et contemplatif, l'album écoule sa mélancolie tranquille qui culmine lors de ce 'Westerlies' laiteux et nimbé de la voix spectrale de la chanteuse, qui irradie également 'Vortex Street', caresse épurée et aérienne. Sans se laisser aller à un étalage stérile qu'il n'a d'ailleurs jamais affectionné, Jim Matheos abat pourtant un boulot d'une belle richesse, tissant des ambiances à la fois sophistiquées et pulsatives dont les pinceaux sont cette guitare pointilliste et des effluves synthétiques dont le pouls entêtant fait vibrer des compositions ramassées, certes ciselées avec la minutie d'un horloger mais néanmoins habitées par un souffle émotionnel aussi froid que magnétique, à l'image de l'opener 'Today The Sky' et plus encore de l'énorme 'Dyatlov Pass', qui résument la teneur ambivalente de cet opus dont la densité ne l'empêche pas d'être intime. Avec "Drift", le guitariste de Fates Warning s'empare du post-rock et de la musique ambient auxquels il imprime sa griffe très personnelle, accouchant d'un essai à la fois intense et désincarné. 3.5/5 (2017) | Facebock






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