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KröniK | Scars From A Dead Room - Vengeance (2016)


Bien qu'originaire du Québec, Scars From A Dead Room ne noue en réalité que peu de liens avec ses compatriotes Forteresse, Monarque, Sorcier des Glaces et autre Sombres Forêts. S'il déballe tout l'attirail autant sinistre que glacial propre à cette chapelle, cet obscur projet manifeste sa haine et sa profonde négativité d'une manière moins orthodoxe quoique toute aussi intense. Certains appelleront cela du post black, d'autre du DSBM, qu'importe car l'essentiel se trouve ailleurs que dans ces étiquettes aussi vaines que maladroites, lesquelles ne sont au final que les différents noms d'un mal unique, tapi dans les replis intimes d'une chair ténébreuse. L'important demeure cette capacité à fouiller la nuit, à presser les tourments de l'âme pour en extraire un foutre fielleux. En cela, Vengeance s'avère être une réussite. Si nous n'en savons toujours pas plus sur son géniteur, ce qui frappe en revanche, sont les progrès réalisés par Scars From A Dead Room depuis une première rumination éponyme déjà de bonne mémoire. En deux ans, son art a gagné en profondeur et en nocivité, remisant au fond de douves humides les courtes pistes qui perforaient (parfois) son offrande séminale. A leur place, ce sont des pièces aux ramifications aussi noueuses que tentaculaires qui se répandent leur semence ravagée, sans pour autant mettre en jachère une violence déchaînée, témoins les premières saillies grâce auxquelles l'oeuvre écarte les cuisses, ouvrant un espace béant vers la noirceur abyssale de son antre. A Blind Eye et La sorcière dans le miroir font ainsi d'emblée saigner les muqueuses tout en charriant des remugles malsains libérés par des riffs pollués. Mais, à partir de l'énorme A Prophecy Of Doom, le ton change, le tempo se fige, prisonnier d'un cercueil de pierre. La guitare étend un voile mortifère en un sustain hypnotique, vibrations maladives gonflées d'un désespoir nihiliste. Supplique funèbre et osseuse, Hand In Hand confirme le corridor tortueux que suivra alors Vengeance, malgré un Spanish Moss épidermique, jusqu'au terminal Ay Trista Vida Corpora, ultime soubresaut dont la voix féminine qui surgit comme une figure spectrale, envoûte avant d'attirer dans un gouffre sans fin, mélopée lugubre qu'accompagnent de lointain cris écorchés. L'opus s'achève dans une apothéose d'ambiances charbonneuses, à la fois charnelle et mélancolique, définitive et belle à pleurer. Viscéralement cathartique, Vengeance gronde d'une puissance tellurique  et affirme la créativité d'une entité aussi rare que précieuse. 4/5 (2016)


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