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Heavydeath | Eternal Sleepwalker (2015)


Quand bien même il ne s'était pas vraiment retiré, continuant à faire parler (un peu) de lui via The Funeral Orchestra et, dans une moindre mesure, Necrocurse, le fait est que depuis la mise en sommeil (mais pas en bière) en 2007 de Runemagick, la carrière de Nicklas Rudolfsson nous captivait toutefois moins qu'avant. Cet avant où il forgeait dans le marbre chaque année une nouvelle ode à la gloire d'un Doom death aussi sec que minéral. C'est pourquoi, depuis l'an passé, son retour aux (vraies) affaires a pris des allures résurrectionnelles. Et s'il n'a malheureusement pas encore décidé d'extraire Runemagick de sa gangue de glace, c'est en réalité (presque) tout comme, puisque Heavydeath, son nouveau projet, ressemble à si méprendre à son faux-frère jumeau. Alors que les aficionados ont été aguichés par des palettes entières de démos - huit au total ! - usinées de manière quasi frénétique durant ces derniers mois, à l'image des dernières en date, "Solus In Mortem" et "Futility & Death", le caractère interminable de l'attente de ce séminal opus tient du doux euphémisme. Les brouillons qui l'ont préparé et aujourd'hui ce "Eternal Sleepwalker" démontrent déjà une chose : combien Nicklas et cette façon de creuser les ombres d'un doom abrupt qui n'appartient qu'à lui, nous ont manqué durant toutes ces années, vide désormais enfin comblé. Ils témoignent surtout du talent intact du Suédois, accompagné de deux fidèles, le batteur Daniel Moilanen et le bassiste Johan Bäckman. Avec une signature aisément identifiable, ce vétéran de la scène death suédoise n'a donc perdu ni ce sens du riffing granuleux et répétitif, qui entraîne parfois les compos jusqu'au bord de la rupture lors de longs et pétrifiés développements ('Road To The Fire', 'Bow Down') ni cette croûte sonore extrêmement brute et volontairement dépouillée. Telluriques, les instruments semblent tous libérer des ondes venues des abîmes de la terre elle-même. Preuve de cette inspiration retrouvée, alors que le groupe aurait pu se contenter de puiser dans ses démos, "Eternal Sleepwalker" ne partage aucun titre avec celles-ci, ne proposant que du matériel inédit. Et quel matériel ! Du gigantesque 'Ascending' en guise d'amorce rampante qu'achève une dernière partie orgasmique, jusqu'au au rituel terminal (mais uniquement en bonus sur la version CD) 'Beyond The Riphean Mountains', étouffante plongée en apnée dont les coups de boutoir résonnent comme les ultimes battements de cœur d'un mourant, l'album a quelque chose d'une marche funèbre que mine une inexorabilité absolue. Aurait-il pu être le successeur de "Dawn Of The End", à ce jour, dernier signe de mort de Runemagick ? Oui et non. Oui, pour les caractères que nous venons d'évoquer mais non parce que le death doom que sculpte Heavydeath s'avère moins suffocant, moins monolithique quoique toujours prisonnier d'une lenteur funèbre que rien ne vient jamais vraiment rompre. Bref, "Eternal Sleepwalker" est le disque que nous n'attendions plus de la part d'un Nicklas Rudolfsson enfin de retour dans le caveau du doom. 4/5 (2015)



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