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KröniK | Worm Ouroboros - Come The Thaw (2012)


Il y a des albums dont on ne se remet pas. La première offrande éponyme de Worm Ouroboros est de ceux-ci. Fondé en 2008, le duo féminin composé de Lorraine Rath et de Jessica Way (alors accompagné du batteur Justin Green) jette alors les bases d'une musique à nulle autre pareille, qu'on a, faute de mieux, maladroitement définie comme du Doom atmosphérique et que des critiques ont comparé, assez justement il est vrai, à un croisement entre Kate Bush et Asunder, dont l'addition en dit long sur le caractère à la fois improbable et magique d'une combinaison touchée par la grâce. Que l'œuvre soit brillante, comment s'en étonner, au vu de la filiation tant humaine que musicale qui unit ce groupe à d'autres tels que Amber Asylum ou The Gault, figures tutélaires de la scène Metal de San Francisco, lieu d'une effervescence artistique incroyable (Weakling, Hammers Of Misfortune...). Il va sans dire qu'on attendait le successeur de Worm Ouroboros avec une grande impatience mêlée de l'inquiétude bien naturelle que sous-entend un sommet déjà atteint et à priori difficile à reproduire. Avec Come The Thaw, le tandem, désormais enrichi du batteur Aesop Dekker (Agalloch, Ludicra), peaufine le travail entamé deux ans auparavant. Le visuel créé immédiatement un lien avec l'album précédent dont on devine qu'il s'inspire du même concept, celui, cyclique, du passage de la vie à la mort. Ce thème est la ligne de force qui sous-tend toute la musique du groupe, comme son nom, emprunté comme chacun sait au symbole du cycle éternel de la nature, l'établit. La mort imprègne Come The Thaw, dont la tristesse aussi belle que douloureuse, s'exprime à travers le prisme de longues complaintes squelettiques mais extrêmement élaborées, d'un calme trompeur qui confine de prime abord à un manque de puissance. Tout l'art des Américaines tient dans cette constante tension rentrée qui jamais n'explose mais se ressent pourtant constamment ("Ruined Ground") et qui n'a d'égale que la richesse de la palette émotionnelle dans laquelle ces titres trempent leur pinceau. Certes, l'effet de surprise, immense, joue moins cette fois-ci. A la décharge de Worm Ouroboros, son premier album ayant déjà magistralement fixé les caractères d'une personnalité qui plus est tellement forte, comme d'ailleurs peu en émergent désormais, son cadet ne pouvait surprendre autant, sans pour autant se répéter. Nonobstant la réussite incontestable de cette seconde offrande, on a l'impression que tout a été dit, ou presque par son aîné, œuvre presque définitive qu'on aurait finalement bien imaginée orpheline, à l'instar de Even As All Before Us, unique opus (mais quel opus !) de The Gault. Ceci dit, Come The Thaw permet à ses auteurs de creuser son art par petites touches, un art où la basse reste prédominante, véritable colonne vertébrale où se greffent les lignes de guitares engourdies par la désespoir et que voile un chant délicat, presque fantomatique, comme l'illustre le très beau "When We Are Gold" qui résume à lui seul cette singulière signature. C'est donc avec beaucoup de subtilité que Worm Ouroboros polit sa musique, accouchant encore une fois de perles insaisissables à l'image de ce "Withered", mortuaire dans son expression d'une amertume feutrée. Inférieur à sa fabuleuse devancière, Come The Thaw n'en reste pas moins une magnifique pièce de Doom atmosphérique écrite à l'encre noire du désespoir. 4/5 (2012)


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