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KröniK | Ansur - Warring Factions (2008)


Il y a vingt ans, on disait "techno thrash" ou "techno death" ; aujourd’hui on préfère le vocable "extrême progressif" : deux étiquettes pour qualifier le fruit des travaux de ces chercheurs du son, (forcément) excellents musiciens de surcroît, qui, dans leur laboratoire, expérimentent et tentent les amours que beaucoup jugent interdits sinon impossibles entre musique extrême (thrash, black, death) et rock progressif. Déjà auteur d’un premier jet remarqué, Ansur fait partie de ces groupes qui se moquent des règles. Œuvre ambitieuse, Warring Factions voit le trio continuer de s’affranchir de ces dernières pour délivrer une musique ultra-complexe, patchwork d’influences diverses.
Si le chant ne manquera pas d’évoquer le grand (par le talent) Martin Walkyer de Sabbat et ex Skyclad, seul détail réellement extrême parmi l’apparat affiché avec les rythmiques épaisses, en revanche, le socle sur lequel repose cet opus, est essentiellement progressif : les guitares virtuoses dignes de Dream Theater, les structures pour le moins alambiquées et le recours à des claviers vintage ("The Tunguska Incident", "At His Wit’s End") qui confèrent parfois une couleur seventies à l’ensemble et surtout à un saxophone magique ("Sierra Day" notamment) témoignent de cet ancrage. Sans oublier les nombreuses stations à d’autres sources : jazz, country, à l’image du foisonnant "An Exercise In Depth Of Field", et bien d’autres encore. Denses, touffues, longues bien évidemment, les compositions semblent partir dans toutes les directions, croulent sous les breaks, les soli, naviguent dans un bain tumultueux qui brasse toutes ces influences en un vaste mélange que d’aucuns estimeront (sans doute à raison) peu digeste, corollaire attendu d’une telle ambition œcuménique. Mais Ansur ne se contente pourtant pas d’empiler tous ses éléments piochés à droite et à gauche au petit bonheur, à la va-comme-je-te-pousse. En dépit de leur jeunesse, les Norvégiens maîtrisent déjà leur art, un art toutefois tout cohérent et dont l’évidente complexité n’est jamais gratuite, même si l’étalage technique devrait en écœurer certains. Vierge d’émotions, de chaleur et de charme, Warring Factions, disque dont la richesse à couper le souffle (la longue pièce terminale "Prime Warring Echatologist") nécessite des va-et-vient fréquents, est donc surtout destiné à ceux qui ont une vision très large du metal, une approche qui n’est pas étriquée contrairement à nombre d’Ayatollahs qui réclament bêtement une stricte application des Saintes Ecritures. Rien que pour cela, il faut saluer la démarche d’Ansur, groupe de qualité dont les (rares) créations le sont tout autant. 3/5 (2010)


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