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Enthroned | Cold Black Suns (2019)



















Malgré une carrière inégale, reconnaissons au moins à Enthroned une longévité additionnée à une régularité qui imposent le respect.

Sauf que justement, cela faisait près de cinq ans que les Belges n'étaient pas venus labourer nos orifices béants, abstinence anormalement longue pour des vétérans qui malgré l'âge n'ont toujours pas besoin de Viagra pour dresser une bestiale turgescence. Les qualifier de vétérans est cependant erroné car de la première partie de carrière du groupe ne subsiste plus que Nornagest, lequel en a réellement pris les rênes depuis le départ du fondateur Lord Sabathan en 2006, qu'il a remplacé derrière le micro tout en conservant son poste de guitariste. Ce changement de personnel s'est accompagné, non pas d'une révolution stylistique, Enthroned  demeurant l'artisan d'un art noir bas du front, mais d'une appétence nouvelle pour les ambiances malsaines, illustrée par le très bon "Obsidium" (2012). Las, "Sovereigns", son successeur, marquait non seulement le pas mais aussi le retour à un black metal plus basique. Quelle sera la teneur de ce nouveau méfait ?

Si, longue amorce suintant la décrépitude, 'Ophiusa' semble vouloir installer "Cold Black Suns" sur des rails mortifères, 'Hosana Satana' brouille ensuite les cartes, saillie aussi véloce que brutale qui, en à peine plus de deux minutes, répand l'apocalypse. Mais 'Oneiros' s'engouffre dans un tout autre chemin, plus lent, plus vénéneux. Il ouvre alors la porte d'un dédale suffocant où la furie satanique s'efface au profit d'une approche certes toujours aussi hostile, mais surtout plus pesante et vicieuse. Aux lignes droites, à l'agressivité frontale, les Belges préfèrent cette fois-ci les sillons tordus, suivant les courbes reptiliennes de boyaux ténébreux au fond desquels macère une semence maladive. 'Vapula Omega', 'Silent Redemption', que lacèrent des guitares enkystées de sinistres bubons ou bien 'Aghoria' sont taillés dans un même bois morbide. Et il faut attendre 'Beyond Human Greed' et 'Smoking Mirror' pour voir le tempo vraiment s'emballer. Mais là encore, le groupe n'a de cesse de briser la trajectoire qui devrait alors être la sienne, polluant le décor de miasmes méphitiques et s'abîmant dans les méandres d'un art tortueux. On peut penser que la présence de membres de Nightbringer n'est peut-être pas étrangère à cette signature plus vicieuse que jamais, qui n'est bien entendu pas pour déplaire à Nornagest, et qui trouve son illustration la plus achevée lors de l'immense 'Son Of Man', conclusion longue de neuf minutes dont la beauté désespérée s'accouple à une noirceur rouée. Qu'ils serrent le frein à main n'empêche donc pas les Belges de convoquer les ténèbres, bien au contraire, il se montrent même plus effrayants encore. Tous les fans ne se retrouveront pourtant pas dans ce "Cold Black Suns" extrêmement complexe, notamment ceux du premier rang. Enthroned n'en livre pour autant pas moins son album le plus excitant depuis très longtemps car à l'os qu'il donne à ronger s'accroche une matière riche d'une ambition inédite. (12.10.2019 | Music Waves)

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