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Suicidal Madness | Dégénérescence (2019)



















Tout amateur de black metal dépressif a déjà croisés la route de Suicidal Madness, entité hexagonale qui répand sa mélancolie froide et poétique depuis plusieurs années. Si Illusions funestes est survenu très rapidement après Les larmes du passé, l’accouchement de Dégénérescence aura cette fois-ci été plus long, deux ans et demie séparant ce troisième méfait de son devancier. C’est dire si celui-ci était extrêmement attendu comme un Graal funéraire et baudelairien, ultime corde à glisser autour du coup.

Conduit par deux membres de Sombre Croisade (Alrinack et Malsain), épaulé par le guitariste Psycho et désormais complété par le batteur de Sandragon, Frakkr, le collectif ne cesse de progresser, de peaufiner son art scarifié, édifiant pierre par pierre un édifice lugubre aux allures de mausolée abandonné. Approximations et maladresses n’ont pas leur place au sein de cette chapelle sculptée au contraire par des musiciens aussi exigeants que sincères dans leur façon, à la fois morbide et noble, d’épandre leur mal-être et leur solitude. Point de misérabilisme vain ou sirupeux non plus chez Suicidal Madness, viscéralement attaché à la pureté malsaine d’une partition meurtrie. De fait, quoique sensible aux atmosphères, sinistres et transies, le groupe ne déserte jamais le caveau brumeux d’un black metal trempé dans le terreau pollué d’une furieuse négativité. C’est ainsi que, une fois passé son prologue squelettique que hantent arpèges décharnés et paroles murmurées, Désespoir déboule, gonflé d’une haine désespérée que clouent les vocalises écorchées de Alrinack, plus possédé que jamais. Batterie torrentielle et guitares grésillantes au goût de rouille secouent et cisaillent cette composition dont la noirceur brutale se conjugue à un lustre macabre. Dégénérescence ne propose que cinq pistes. Leurs titres sont courts, claquant à chaque fois comme une déclaration, auxquels répondent des architectures dilatées, oscillant entre huit et douze minutes, exception faite de l’instrumental baptisé Solitude, respiration épurée qui, en quelques notes, distille une tristesse résignée dont le pinceau est cette guitare qui pleure tout son soûl avec grandeur et beauté.

La maîtrise à laquelle est parvenu le groupe ne peut trouver plus beau témoignage que Corridor, errance désolée dont  la richesse d’une instrumentation imbibée à l’encre noire du désespoir est associée à des ambiances glaciales qui sillonnent comme des stigmates un sol englué par l’hiver et cabossé par une écriture dont le caractère répétitif et lancinant comme un poison ne l’exonère jamais d’une sève gorgée de décrépitude mais aussi de vie. Long chemin de croix boueux tavelé de claviers mortuaires le terminal Résilience illustre à son tour le relief accidenté aux parois duquel s’accroche Dégénérescence, œuvre d’une rare intelligence de touches et de traits que signe un groupe maître de son art, à la fois inféodé au credo suicidaire mais qui apparaît pourtant de plus en plus personnel à la lumière d'un maillage extrêmement travaillé et de textes emprunts d'une poésie crépusculaire. (10.04.2019 | La Horde Noire)

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