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KröniK | Evadne - A Mother Named Death (2017)


Plus que dans tout autre genre, à l’exception peut-être de l’art noir avec lequel il partage une même force émotionnelle et un pouvoir de fascination ad hoc, il existe dans le doom un véritable déterminisme géographique qui explique qu’un groupe du sud de l’Europe ne rivalisera jamais – ou si peu – en noirceur avec un confrère de misère venu du nord, d’Angleterre, des Pays- Bas et plus encore de Scandinavie. Si sa voisine lusitanienne, dont les prêtres doloristes sculptent souvent un matériau cryptique et ténébreux plus proche en cela du black metal que des héritiers de Black Sabbath , fait presque office d’exception, la chapelle espagnole confirme cette règle, souffrant généralement d’un déficit certain en mélancolie froide.
Il n’y a qu’à écouter Evadne pour mesurer la profondeur du gouffre qui existera toujours entre lui et les références finlandaises qui servent de combustible à son doom death malheureusement plus mélodique que funéraire. Proche du style façonné par Shape Of Despair depuis « Illusion’s Play », lui-même d’ailleurs déjà beaucoup moins blafard sinon suicidaire que celui, spectral et mortuaire, que dessinaient dans une brume sinistre « Shades Of… » puis « Angels Of Distress », « A Mother Named Death » sonne ainsi comme une copie ensoleillée bien qu’elle ne répande qu’une pale lumière, de ce doom éthéré du pays des mille lacs (‘Scars That Bleed Again’). Ceci étant, ce troisième album, après un hiatus de cinq ans, seulement interrompu par le EP « Dethroned By Light », confirme la maîtrise des Valenciens en matière de musique pétrifiée, engourdie par une douleur crépusculaire. Taillées dans le marbre, ces plaintes portent toute la tristesse du monde. Chant caverneux et nappes de claviers étirant un suaire brumeux (le funèbre instrumental ’88,6’), forment les arcs-boutants d’une cathédrale abandonnée à laquelle des chœurs fantomatiques confèrent un éclat envoûtant (‘Black Womb Of Light’). De trop rares mélopées féminines, comme sur ‘Morningstar Song’, sans doute le joyau de cet opus, ajoutent une touche délicate à un ensemble figé dans une inexpugnable contrition mais où toute trace d’une vraie personnalité est en jachère. Seul un chant clair masculin, double cristallin de grognements d’outre-tombe (‘Heirs Of Sorrow’, ‘Colossal’), vient ainsi parfois éclaircir une signature incolore quoique ensorcelante. Si on ne peut que regretter une monotonie à laquelle ces liquoreuses processions n’échappent pas toujours et des guitares trop avalées par le brouillard pour mener la danse (macabre) quand bien même elles tissent une toile au fil visqueux, force est de reconnaître que Evadne demeure le solide artisan d’un doom death sous influence finlandaise auquel il ne manque qu’une identité davantage affirmée ainsi qu’une écriture moins immobile, qui participe toutefois du caractère inexorable d’un art englué dans la mélancolie, pour accéder à l’étage du dessus. 3/5 (22/07/2017)






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