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KröniK | Område - Nåde (2017)


Il faut bien le reconnaître, rien ne nous avait préparés à une telle baffe, pas même "Edari", premier effort de Område, pourtant déjà extrêmement prometteur. Et une question s'impose une fois l'écoute de "Nåde", son très attendu successeur, achevée : comment Bargnatt XIX et Arsenic, nonobstant leur talent respectif et incontestable, sont-ils parvenus à un tel résultat ? Eblouissant de maîtrise, le tandem pulvérise les frontières qui encadraient leur galop d'essai pour aller encore plus loin dans l'expérimentation tous azimuts. Ce faisant, il propulse son art protéiforme vers une dimension autre, celle d'un multivers où la folie et la passion s'accouplent en un golem émotionnel.
D'une étourdissante densité, on ne sait trop par quel bout commencer pour décrire une offrande dont la richesse éclot chaque fois un peu plus au fur et à mesure que l'on butine sa précieuse intimité, laquelle ne s'offre que par petites touches. Commençons par ce qui frappe d'emblée, c'est-à-dire la richesse instrumentale d'une palette sonore où, en un camaïeu de couleurs, un peu à l'image de la remarquable  pochette de Jeff Grimal (The Great Old Ones), se mélangent , outre les habituelles touches electro et orchestration sombrement cinématiques ('Falaich'), saxophone et clarinette, respectivement assurés par Leo Sora et Edgard Chevallier. Leur apport irradie des pièces telles que 'The Same For The Worst', 'Hänelle' et 'XII', d'une vertigineuse beauté. Mais ils ne sont pas les seuls invités à avoir été convoqués par le duo. Mentionnons le bassiste Julien Gebenholtz, le guitariste Bernard-Yves Querel ou le chanteur L. Chuck D. A ce sujet, il faut à tout prix souligner les nombreuses nuances vocales qui participent à l'empoisonnement malsain et mélancolique d'un menu puissamment désespéré dont les veines sont chargées d'une sève nocive et contagieuse. Reste que ce foisonnement ne serait rien sans une écriture d'orfèvre qui n'oublie jamais d'être mélodique et obsédante. 'Malum' et 'Hänelle', notamment, incarnent deux joyaux noirs et immersifs où Bargnatt chante comme si demain ne devait plus jamais exister. Mais, véritable épicentre de l'écoute, 'Styrking Leið' est le titre qui résume le mieux sans doute ce "Nåde" foudroyant de bout en bout, véritable pandémonium orgiaque qui explose en un geyser d'ambiances et d'effluves aussi pulsatives qu'hypnotiques, aussi déglinguées qu'abyssales. Si "Edari" témoignait déjà d'une vraie personnalité, bien que nourrie à l'avant-garde norvégienne des Manes et Ulver, son héritier affirme plus encore cette signature qui ne doit plus rien à personne, si ce n'est à ses deux géniteurs épris de liberté et d'Absolu. Metal furieusement moderne et post rock évolutif sont ainsi phagocytés en un magma à la fois glacial et schizophrénique. Après le coup d'essai s'impose le coup de maître pour Område dont on sent que l'inspiration n'a sans doute encore été qu'à peine déflorée. 4/5 (2017) | Facebook






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