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KröniK | Mourning Dawn - Waste (2017)


Rouen évoquera pour certains la cathédrale Notre-Dame, immortalisée par Claude Monet, pour d'autres, la place du Vieux-Marché où Jeanne D'Arc fut brûlée vive. Mais pour nous, cette ville de Seine-Maritime invoque surtout le doom, dont elle est un des points névralgiques, fief d'Ataraxie, son incontestable figure tutélaire hexagonale, autour duquel gravitent nombre de formations connectées les unes aux autres par de profonds liens aussi bien humains que musicaux, de Funeralium à Mhönos, de Fatum Elisum à Mourning Dawn.
Celui-ci, quoique moins culte et exposé que son aîné, si tant est que le groupe de Jonathan Théry le soit tant que cela, érige depuis 2002 un édifice ravagé dont les noueuses et telluriques fondations s'enfonce dans les entrailles mortifères d'un black metal halluciné. Trois opus jalonnent ainsi une trajectoire tracée dans l'ombre de son aîné avec lequel il a partagé, outre la scène à maintes reprises, un hommage au « Dictius To Necare » de Bethlehem. Mais après avoir craché sa semence mazoutée à un rythme régulier, il est vrai que le groupe se montre, depuis huit ans, (bien trop) avare de son doom death tortueux, n'offrant que « Les sacrifiés » en 2014 et enfin ce « Waste » que nous n'attendions plus vraiment. Taquin à la manière des Finlandais de Reverend Bizarre lorsqu'ils présentaient leur « Harbinger Of Metal » long de plus d'une heure comme un simple EP ( !), les Français désignent ainsi cette nouvelle création non pas comme leur quatrième véritable opus mais comme un extented play qui tutoie les 70 minutes au jus ! En outre, loin du banal agrégat de fonds de tiroir auquel ce format mal-aimé est parfois – à tort – associé, la réalisation de cet opuscule a été présidée par un concept précis en ce sens où trois pistes d'égale durée, soit 24 minutes et douze secondes, le structurent. Trois titres donc, trois monolithes dressés dans une nuit opaque qui se complètent et se répondent en une variation sur un même thème empreint d'une désolation hantée. 'The One I Never Was', 'The One I'll Never Be' et 'Waste (The Deconstruction...)' forment les trois côtés d'un même vertigineux triangle. C'est long, c'est lent, d'une puissance sombrement hypnotique mais comme toujours avec Mourning Dawn, affleurent à la surface une espèce de négativité purulente, une noirceur d'encre, un mal-être corrosif, dont le chant habité de Laurent reste plus que jamais l'un des principaux vecteurs, capable à lui seul d'empoisonner l'atmosphère tel un venin cendreux, de figer sur place, à la manière d'une gorgone caverneuse, toute forme de vie. Pulsatives et obsédantes, ces pièces s'étirent jusqu'aux limites de la rupture, sans pour autant s'embourber dans l'ennui ou une sériel répétition. Au contraire, une sourde progression les guident, traversant des paysages anéantis quoique non dénués d'une forme de beauté, une beauté déchirante que tissent ces guitares engourdies par le désespoir le plus absolu, le plus inexorable. Le groupe atteint des sommets d'émotion et ce faisant, accouche peut-être de ses compositions les plus douloureusement belles. Incontournable. 4/5 (2017) | Facebook






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