Moins d'un an après avoir été remarqué grâce à un galop d'essai éponyme, Eagles est de retour en avril 1973 avec "Desperado". Malgré le succès immédiat qu'ils ont rencontré, les Américains ne s'en contentent pas, désireux d'être pris au sérieux, d'être considérés comme de véritables artistes. Quoi de mieux alors qu'un album-concept pour cela ? Comme sa pochette qui les représente en bandits de grand chemin et son titre le suggèrent, cette deuxième galette puise son inspiration dans le Far West et surtout les exploits sanguinaires du gang Doolin-Dalton, célèbres outlaws ayant sévi entre le Kansas, le Missouri et l'Arkansas dans les dernières années du XIXème siècle, figures légendaires d'un Ouest sauvage et fantasmé qui traversent l'écoute. Ce thème détermine les couleurs désertiques et sudistes d'un menu riche en pépites. Les plus renommées demeurent la chanson-titre, ballade orchestrale puissamment émotionnelle, que le magazine Rolling Stone fait figurer dans sa liste des cinq cents plus grands morceaux de tous les temps, ainsi que 'Tequila Sunrise', respiration tranquille aux accents country rêveurs qu'émaillent des notes de mandoline distillées par le guitariste Bernie Leadon lequel, armé d'un banjo ou d'un dobro, participe pour une bonne part à l'édification de ce cadre westernien qui sent le Stetson poussiéreux. A leurs côtés se sont glissées d'autres cartouches, moins fameuses bien que tout aussi séduisantes. Ainsi, 'Out Of Control', direct et flirtant avec le hard rock grâce à sa rythmique puissante, 'Certain Kind Of Fool', qu'enflamme la voix chaleureuse de Randy Meisner, sans oublier surtout 'Outlaw Man', pièce tout en progression superbement ciselée qui voit son tempo s'emballer lors d'une conclusion énergique, sont également à mettre à l'actif de cet opus dont la richesse d'écriture s'explique par l'addition des talents de compositeurs respectifs de Glenn Frey et Don Henley qui signent désormais en commun un répertoire jusque-là composé séparément. Accueilli avec enthousiasme par les critiques, le succès de "Desperado" sera pourtant moindre que celui de son prédécesseur alors qu'il le dépasse de la tête et des épaules grâce à une créativité qui fonctionne à plein régime, peaufinant un style unique, une identité intemporelle qui n'appartient déjà qu'à ses auteurs. 4/5 (2016)
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