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Sulphur | Omens Of Doom (2016)


Commençons par les choses qui fâchent (un peu). Sulphur est un groupe paresseux. Ainsi, alors qu'il a vu la nuit en 1999, sans compter la période longue de trois ans durant laquelle il se nommait Taakeriket, "Omens Of Doom" n'est que son troisième méfait à ce jour, survenant lui-même après quasiment sept ans de silence discographique ! S'il n'était qu'un pale rejeton de l'art noir, nous ne pourrions que saluer cette avarice. Sauf que, menée depuis ses débuts par Øyvind Madsen, son dernier membre originel dont la guitare résonne chez Vulture Industries et accessoirement Enslaved, qu'il a dépanné sur scène, cette horde possède un potentiel inversement proportionnel à sa maigre semence. Le fait qu'elle ait vu défiler dans ses rangs quelques mercenaires de la chapelle impie norvégienne tel que le batteur Mads Guldbekkhei (Pantheon I, 1349...) autrefois ou Erik Hæggernes (Gorgoroth, Aeternus) qui le remplace depuis 2007, assure au moins une évidente maîtrise d'un genre que Sulphur sculpte d'une façon à la fois brutale et de plus en plus évolutive, ce dont témoigne ce nouveau méfait, approche bicéphale qui pourra autant rassembler que mécontenter. Brutale, la musique des Norvégiens l'est d'une certaine manière. Minéral, le son possède cette âpreté taillée dans les roches du Grand Nord et les puissants coups de pilon ne sont pas pour leur déplaire, cependant que le chant de Thomas Skinlo Høyven confère un grain râpeux comme frotté avec du papier de verre en même temps qu'une énergie furieuse, à ce canevas implacable que forgent des guitares incisives. Mais cette relative violence se dilue vite dans les sinuosités d'un magma quasi progressif qui n'est pas sans rappeler, loin s'en faut, le Enslaved de l'époque "Below The Light" notamment. Cette parenté éclate au grand jour, tout du long d'un 'Gathering Storms' aux multiples cassures et que hante un clavier fantomatique tandis que la six-cordes s'envole très haut lors d'un final déchirant de beauté. D'aucuns déploreront ce mimétisme qui du reste ne se limite pas à ce seul exemple, témoin un 'Omens Of Doom' lui aussi sous influence. Mais il est aussi permis de trouver que les Norvégiens n'ont pas trop à rougir de cette comparaison et ce, quand bien même ils ne peuvent se vanter de posséder un génie équivalent à celui de leurs frères d'armes. Et tant pis si le drakkar a peut-être gommé durant ces années d'abstinence une part de son âme car force est de reconnaître que, l'inspiration hissée avec vigueur, cette évolution vers un art plus sophistiqué sinon ambitieux quoique toujours aussi abrasif, lui sied mieux au final que le black death qu'il nous régurgitait jusqu'alors. La durée des titres s'allongent, parfois même au-delà des huit minutes au jus, il n'est plus rare que le rythme ralentisse et les atmosphères épiques empreintes d'une glaciale majesté priment sur l'agression pure ('Devil's Pyre'). Il n'en faudra pas davantage pour faire hurler quelques ayatollahs mais "Omens of Doom" saura séduire ceux qui pensent que Enslaved fut lui aussi bien inspiré de muter à partir de "Monumension". Sans museler sa puissance de feu, Sulphur a réussi sa mue, offrant sans aucun doute avec "Omens Of Doom" son effort le plus abouti. (2016)


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