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Morbid Angel | Formulas Fatal To The Flesh (1998)


En 1996, Morbid Angel se sépare de son charismatique chanteur et bassiste, David Vincent, ainsi que du guitariste Erik Rutan, parti former Hate Eternal. S'il a connu maints changements de line-up autour de sa figure de proue, Trey Azagthoth, toujours flanqué du fidèle batteur Pete Sandoval, nombreux sont pourtant ceux qu'inquiète alors ce double départ. A tort bien entendu, car c'est oublier que le maître des lieux fait partie de ces artistes visionnaires dont le talent ne saurait être étouffé ni même freiné par de basses questions de ressources humaines. Contre toute attente, Azagthoth profite de cette éviction pour que Morbid Angel redevienne un trio, Rutan n'étant pas remplacé. Pour succéder à Vincent, les Américains jettent leur dévolu sur Steve Tucker qui n'avait alors gravé qu'une seule démo en 1992 avec l'éphémère Ceremony. Si ce dernier ne possède pas une personnalité aussi affirmée que son glorieux prédécesseur, son chant plus bestial se fond à merveille dans un art que "Formulas Fatal To The Flesh" plonge dans une brutalité hallucinée. Il résulte de cette combinaison un album, dont certains textes sont écrits en sumérien, parmi les plus agressifs alors jamais enfantés par Morbid Angel. Un des plus menaçants également. Une tension démentielle gronde depuis les infernaux arcanes de cet opus en forme de labyrinthe aux dimensions tentaculaires. Les trois musiciens sont au diapason d'une violence maléfique comme venue du fond des âges. A ce titre, la première partie du programme se veut un modèle du genre dont on ne sort pas indemne avec des perles noires telles que 'Heaving Earth' ou 'Prayer Of Hatred'. Véritable Lapin Duracel, Sandoval martyrise ses fûts cependant que Trey tisse ses lignes de guitare extra-terrestres dont il possède l'art et le secret, à l'image de 'Chambers Of Dis', qu'il hante de sa tutélaire présence. Puis, à partir de l'instrumental 'Disturbance In The Great Slumber', trou noir d'une abyssale beauté, l'œuvre prend une direction plus sinueuse, plus évolutive peut-être. C'est toujours aussi brutal - témoins les coups de massue de l'acabit de 'Hellspawn : The Rebirth' ou 'Umulamarhi' - mais bourgeonne en une myriade de sphères inconnues. Le court et atmosphérique bien qu'oppressant 'Hymn To Gas Giant', qui porte l'incontestable griffe du guitariste, et surtout le monumental 'Invocation Of The Continual One' que perforent de multiples cassures illustrent cette fin de parcours aux couleurs cosmiques que vient toutefois parasiter une conclusion maladroite incarnée par trois petits instrumentaux qui tombent comme un cheveu sur la soupe alors que cette pulsation de près de dix minutes à laquelle ils succèdent aurait constitué un final définitif. Album ambivalent où fusionnent la violence la plus débridée et la beauté la plus viciée, "Formulas Fatal To The Flesh" ouvre pour Morbid Angel un nouveau chapitre, premier d'un triangle que compléteront "Gateways To Annihilation" et le décrié "Heretic". 3/5 (2015)


                                   

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