Ce n'est pas parce que la présence d'une prêtresse pour déclamer des paroles sentencieuses ne nous étonne plus depuis longtemps que nous ne nous intéressons plus à ces groupes qui ont décidé de mêler riffs plombés et chant féminin, bien au contraire car l'exercice demeure encore souvent séduisant. Cauchemar n'est pas seulement l'un d'entre eux, il en est aussi un des plus fiers représentants et surtout un des plus excitants. Pourquoi cela ? Parce qu'il vient du Québec, dont le terreau est plus fertile en black metal qu'en doom, ce qui lui confère d'emblée une identité singulière. Parce que, corollaire de cette origine géographique, il chante en français, ce qui l'arrime à une certaine tradition, celles du heavy hexagonal des années 80. Parce que Annick Giroux possède cette voix sombrement ensorcelante qui suffit à ferrer le pèlerin. Nous avions laissé les Canadiens en 2013 avec « Tenebrario », première offrande qui confirmait les bonnes impressions entrevues dans le EP «La vierge noire». Trois ans plus tard, « Chapelle ardente » creuse le sillon identique d'un heavy doom solennel mais le groupe a évolué, mûri. Avec intelligence et discrétion, il a pris soin d'enrichir sa palette aux couleurs occultes, de teintes plus sinistres encore que répand un orgue brumeux. Drapé alors dans un suaire lugubre, son art en sort grandi, baignant dans un climat de films d'horreur gothique, évoquant quelque manoir avalé par le brouillard, ce qui est particulièrement évident sur 'Voyage au bout de la nuit, 'Funérailles célestes' ou sur un 'Etoile d'argent' que zèbrent par ailleurs les griffures d'une guitare nerveuse. Mentionnons à ce titre le travail de François Patry, dernier membre historique avec sa comparse, dont le touché sabbathien à la Pagan Altar résonne d'une lourdeur granitique. La créativité dressée avec une insolente vigueur, Cauchemar accouche de complaintes toutes plus superbes les unes que les autres, remuantes parfois ('Main de gloire', 'L'oiseau de feu'), figées le plus souvent dans une roche froide qui les emprisonne comme une gangue de désespoir. 'La vallée des rois', théâtre de mélodies ténébreuses, 'La nuit des âmes' qu'ouvrent de morbides arpèges ou 'Nécromancie' qu'un tempo extrêmement pesant attire dans les profondeurs obscures d'une crypte inquiétante, prêtent allégeance à une déesse doom plus honorée que sur le disque précédent. Du coup, autel mystique, « Chambre ardente" l'emporte par rapport à « Tenebrario » par ses atours plus lancinants et les lignes vocales funéraires, mélancoliques et puissantes à la fois, d'Annick, vestale de charme et de choc présidant une cérémonie incantatoire. Avec cet opus, Cauchemar franchit une étape supplémentaire, signant une hostie d'une vibrante force noire à la gloire d'un heavy doom antédiluvien. 4/5 (2016)
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