On prend toujours un peu peur lorsque l'on voit débouler une galette présentée comme un mélange d'instrumental et de virtuosité. Le risque d'avoir à faire à un machin aussi vain qu'indigeste bricolé par des techniciens ivres d'eux-mêmes est souvent grand... Telle est notre crainte au moment de déflorer ce "Polydirectional Lines" venu de Grèce. Le fait que celui-ci ne soit l'oeuvre que d'une seule personne solitaire ne plaçait pas non plus sa découverte sous les meilleurs augures. Las, nous avions - heureusement - tout faux. Que Zmerna soit le jouet de Manthos Stergio (Tardive Dyskinesia), musicien talentueux s'il en est, constituait pourtant un indice précieux quant à la valeur de ce premier jet onanique, certes pesamment technique mais aussi non dénué d'âme sinon d'émotion(s). Entre Metal progressif acéré ('Bloodline') et Djent mangeur d'espace ('Redline'), "Polydirectional Lines" ne fait pas mentir son nom, concentré de technique d'une extrême densité, véritable tectonique des plaques se chevauchant, se brisant en un fracas jubilatoire. Multipliant les cassures rythmiques, empilant les plans à tout va, le résultat est affolant d'une maîtrise toujours mise au service de la mélodie et où la guitare du bonhomme règne en maîtresse des lieux, reine aux traits tour à tour lourdement soulignés ou finement ciselés. Si 'Adrenatine', en guise de préliminaires, semble vouloir confirmer nos craintes premières, les pistes qui lui succèdent, bien que taillées dans le même bois alambiqué, sont tavelées de tâches d'une beauté insoupçonnée. Le long 'Cristalline' qui mêle habilement motifs planants et gros riffs qui tâchent ou bien encore le lent 'Borderline' et ses tubulures trempées dans le post-rock démontrent notamment que le Grec sait composer de vraies chansons même instrumentales et construites sur un maillage serré et parkinsonien. Du coup, la bride tenue d'une main de fer qui l'empêche de galoper dans tous les sens, l'album s'enfile sans forcer, au point de le trouver presque trop court, c'est dire... A l'arrivée, à la fois technique et envoûtant, Zmerna tient de la bonne surprise, d'autant que l'on en attendait rien de particulier, ceci expliquant sans doute aussi un peu cela. Son caractère instrumental et complexe ne doit pas vous effrayer, vous passeriez à côté d'un opus plus enthousiasmant que prévu. (2014)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire