Rédiger des chroniques n’est pas toujours aussi facile que cela en a l’air. On pourrait penser que lorsque le sujet est bon, les mots défilent avec aisance. Ce n’est pas toujours le cas. Prenez par exemple le galop d’essai éponyme de Worm Ouroboros. D’une beauté tragique et absolument magnifique de tout son long, sa chronique devrait s’écrire sans la moindre difficulté. Pourtant justement, les mots manquent ou paraissent sans saveur pour décrire une telle œuvre qui convoque le fantôme du Anathema période Eternity (la meilleure ?) et se pose quasiment comme le successeur du définitif Even As All Before Us, unique opus du défunt The Gault. Le fait que l’on retrouve à la barre de ce nouveau projet la toujours excellente Lorraine Rath (Amber Asylum et The Gault forcément) n’est pas étranger à cette proximité et cette réussite. Notons d’ailleurs, qu’elle est ici entourée de deux autres musiciens, tous deux issus du groupe de doom death World Eater, la guitariste Jessica Way et le batteur Justin Green. Il y a tellement de choses à dire sur cet album que l’on ne sait par où commencer. La prise de son ? Austère (dans le bon sens du terme) et sobre mais qui épouse admirablement les trais épurés d’une musique qui joue plus sur les temps morts, les silences, les pauses. Quand la puissance jaillit soudain ("A Birth A Death"), celle-ci n’en prend que plus d’ampleur. La composition ? Pilotés par le chant cotonneux comme un rideau de brouillard et par la basse de Lorraine Rath, les titres, qui déploient leurs ramifications sur des durées parfois très longues, progressent vers un point de non-retour inexorable. De fait, Worm Ouroboros prend (forcément) la forme d’un cercle à l’image du passage de la vie à la mort et de la mort à la vie. Précédé par le court et séminal "Throught Glass", il débute par "A Birth A Death" et s’achève par le décharné "A Death A Birth" tout en arpèges douloureux. Entre les deux, six échappées qui drainent une tension rentrée, toujours contenue, dont on a l’impression qu’elle va par moment exploser sans jamais néanmoins y parvenir. Le groupe joue constamment sur une absence (faussement) apparente de puissance. Celle-ci est en réalité larvée et court le long d’une colonne vertébrale squelettique ("Riverbed"). Corollaire de ce caractère presque insaisissable, l’album pourra paraître de prime abord sans vie, l’encéphalogramme totalement plat. Mais c’est justement de cette plaine que jaillissent des geysers de beauté et une puissance dramatique qui donne des frissons. Immense et précieuse, Worm Ouroboros est une œuvre qui ne rencontrera probablement pas la reconnaissance qu'elle mérite. 4/5 (2009)
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