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KröniK | Draconian - Turning Season Within (2008)


Après des années de vache maigre car trop gangrenée par des traîne-savates de série B sans imagination, le gothic metal retrouve depuis quelques temps déjà des couleurs (sombres forcément). Soit en l’entraînant dans les rivages atmosphériques (comme le fait Ava Inferi, projet de Blasphemer de Mayhem), soit en misant sur la carte orchestrale sans pour autant sombrer dans le pompier de bas étage (option choisie par les prometteurs Todesbonden), une poignée de groupes est donc en train de rénover le genre. Draconian, quant à lui, actif depuis le milieu des années 90, a décidé replonger dans les racines du mouvement quand celui-ci n’avait pas encore confondu sens du tragique et mièvrerie, soit en injectant beaucoup de doom à sa musique.
Turning Season Within est la troisième offrande (la quatrième s’il l’on compte l’essai The Burning Halo qui agglomérait nouveaux titres, relectures d’anciens vestiges et reprises) des Suédois. Comparé à son prédécesseur, l’album est tout d’abord un peu décevant. Il faut dire qu’il n’est pas propulsé dès son ouverture par un chef-d’œuvre de l’acabit de “ A Scenery Of Loss ”, pulsation gigantesque qui débutait Arcane Rain Fell (2005) et vous scotchait au mur d’entrée de jeu. Rien de tel ici. Pour autant, on se rend compte peu à peu que ce cru 2008 se révèle aussi bon, voire meilleure que son aîné. Les chansons sont mieux écrites, plus riches ; elles dévoilent leur intimité après de longs préliminaires. Toutefois, quand on parvient enfin à les pénétrer, la jouissance est au bout du chemin. L’énorme “ Seasons Apart ”, le puissant “ When I Wake ” ou le douloureux “ The Empty Stare ” en témoignent. Forgés sur l’accouplement entre une voix féminine à la beauté désespérée (celle de la sublime Lisa Johansson) et des rugissements rageurs d’outre-tombe dus à Anders Jacobsson, alternance certes classique mais jamais mécanique, ces complaintes arpentent des caveaux tortueux, hantés parfois par les spectres d’Anathema (celui des débuts), de Paradise Lost, de My Dying Bride (“ Morphine Cloud ”, notamment pour le chant clair masculin) ou d’Opeth, comme sur le noir “ Earthbound ”, et plus encore le temps d’un “ The Failure Epiphany ” qui n’est pas sans rappeler les ambiances du Blackwater Park de la bande à Akerfeldt (une référence !). Contrairement à la plupart des robot-goths du dimanche aux allures de corbeaux, les guitares chez Draconian, et c’est ce qui l’arrime au doom, ne sont jamais en reste ; elles cimentent par leurs riffs pétrifiés ces longues plages, lancinantes souvent, tragiques et figés dans une mélancolie infinie toujours. Turning Season Within a quelque chose d’un poème désenchanté, il évoque les stigmates d’une vie grise et pluvieuse, pleine de regrets, comme l’illustre “ September Ashes ”, plainte terminale triste et squelettique pleurée par Paul Kuhr, chanteur de Novembers Doom. Draconian est tout simplement le plus bel hommage à La belle et la bête de Jean Cocteau. 3.5/5 (2008) | Facebock






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