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KröniK | Caïna - Temporary Antennae (2008)


A l’instar du UK Doom par exemple dont la plupart des géniteurs – Paradise Lost, Anathema - ont par la suite pris leur distance avec le genre, le black metal mène un peu à tout : au progressif (avec Enslaved), à la musique électronique (le Burzum carcéral), à l’indus (Blut Aus Nord) et même au post rock, étiquette (une de plus !) qui du reste ne veut pas dire grand chose. Si, il y a peu, les Teutons de Lantlôs avaient déjà, timidement il est vrai, tenté les travaux d’approche entre celui-ci et le metal noir, Caïna, quant à lui, fait plus que caresser ce corps à la mode : il le pénètre allègrement et par tous les orifices. Bien qu’encore adolescent – sa naissance ne remonte qu’à 2004 -, ce one man band n’est plus un puceau et Temporary Antennae est déjà sa troisième saillie (sans compter les EP).

Au départ, purement black metal, le projet largue de fait de plus en plus les amarres avec cette chapelle, dont il ne conserve que quelques oripeaux tels qu’un son de guitare ferrugineux et sale, certaines vocalises écorchées (“ Willows And Whippoorwills ”), des tempi qui accélèrent la cadence (le superbe “ Tobacco Beetle ”) et une ambiance générale parfois assez dépressive, pour accoster des terres carrément plus atmosphériques. Bref, on est désormais plus proche de Cult Of Luna, d’Isis voire de Jesu, auquel on pense notamment pour la façon dont Andrew Curtis-Brignell pose ses lignes vocales (“ Petals And Bloodbowls ”) que de Darkthrone. Le mélange est étonnant, détonnant et très réussi. Hypnotique, miné par une tristesse fébrile (“ Larval Door ”), Temporay Antennae est une œuvre singulière à l’architecture essentiellement instrumentale (“ … And Ivy Wound Round Him ”), que fissure pourtant un chant davantage utilisé pour souligner des ambiances que pour piloter une musique désincarnée et fantomatique. Ces complaintes recèlent une beauté grave et désespérée ; elles prennent aux tripes et atteignent le cœur autant que l’âme, à l’image du long et douloureux “ Them Golds And Brass ”, dont les notes à la six-cordes ne manqueront pas de vous tirer des larmes ou du déchirant “ Temporary Antennae ”. Sa noirceur n’a d’égal que son pouvoir d’envoûtement. Caïna dessine un art certes planant, qui décolle par moment très haut, tout là-haut en un spectacle grisant, mais qui secrète surtout un profond désespoir et ce faisant, il érige donc ce pont entre post rock et black metal, deux corps froids aux courbes qui nouent finalement bien plus de points communs qu’on pourrait le croire de prime abord. L’Anglais livre ainsi un très grand disque, passionnant de bout en bout, mariage hybride mais cohérent qui, à mon humble avis, lui convient bien mieux que le pur metal noir de ses débuts, dont il ne reste aujourd’hui quand même plus grand chose. (25.07.2009) ⍖⍖⍖


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