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Cult Of Luna | A Dawn To Fear (2019)



















Tout a déjà été écrit sur Cult Of Luna, sur son exigence, sur la difficulté d'aborder ses offrandes généralement conceptuelles conçues comme des œuvres d'art total aussi bien sonores que visuelles, qui se méritent, périples puissants et introspectifs faits de couches qui s'empilent en une stratigraphie compliquée et pourtant limpide.

Et il va bien falloir pourtant nous répéter afin de décrire la nouvelle livraison des Suédois. Non pas que ceux-ci se soient mis à bégayer, même si une première et distraite écoute pourrait le laisser croire (nous y reviendrons) mais la réussite étant à nouveau au rendez-vous et leur univers de toute façon fixé (et non pas figé) depuis longtemps, ce sont aux superlatifs et champ sémantique habituels que nous allons donc recourir. Survivant d'un genre, le post-metal ou post-hardcore - appelez-le comme vous voulez - depuis longtemps asséché car pressé comme un citron par trop de groupes interchangeables, Cult Of Luna est ainsi de retour avec "A Dawn To Fear". Certains l'avaient laissé en 2013 avec "Vertikal", concept-album inspiré du Bauhaus et du "Metropolis" de Fritz Lang, d'autres en 2016 avec "Mariner", fruit de son union avec la chanteuse Julie Christmas (Battle Of Mice). Il serait tentant d'affirmer que le sextet ne s'est pas pressé. Au vrai, cela fait longtemps maintenant qu'il prend son temps, au moins depuis "Eternal Kingdom" (2008), nous sommes habitués. Chaque nouveau signe de vie de sa part n'en est pas moins attendu à la manière d'un objet sacré. Ce nouvel opus ne déroge pas à la règle.

De prime abord, ce dernier semble, pour qui connait son Cult Of Luna sur le bout des doigts, creuser un terrain bien balisé, entre son artwork aux teintes froides et son menu extrêmement massif que segmentent des pistes robustes oscillant entre six et quinze minutes au compteur. Il se déflore même facilement. Peut-être parce qu'il n'épouse pas une forme conceptuelle, une première pour ses créateurs depuis leur galop d'essai. Peut-être parce qu'il paraît vouloir renouer avec la matière aussi organique qu'atmosphérique de "Salvation", leur disque le plus commercial, leur plus connu également (ceci expliquant sans doute cela). Amorce confortable et néanmoins superbe, 'The Silent Man' ne dévoile rien de plus que ce que nous savions déjà sur COL. Nimbé de claviers moelleux, ce titre est en réalité l'arbre qui cache la forêt. Et dès ce 'Lay Your Head To Rest" où se mêlent parcimonieuses effluves électroniques et énergie pulsative, on comprend que le groupe ne reste pas enfermé dans son pré carré, comme il avait pu le faire à l'époque de "Somewhere Along The Highway" (2006), même si sa signature demeure aisément identifiable, ne serait-ce que grâce à la voix rugueuse de Johannes Persson. Les lignes vocales affichent toutefois une tessiture variée, entre les mélopées quasi murmurées de 'A Dawn To Fear' ou les déchirements ténébreux de 'Inland Rain'. Si tous les musiciens participent à égalité à l'érection de ce bloc de souffrance, il convient de saluer plus que jamais la performance de Thomas Hedlund dont les rouleaux de batterie se fracassent comme un magma incandescent. Soulignons également le rôle des claviers tenus par Kristian Karlsson, discrets mais ô combien essentiels par l'atmosphère tendre et irréelle qu'ils épandent. Plus on butine son intimité plus cet album s'affirme dans sa foisonnante richesse. Il suffit d'écouter ces monstres de froideur terreuse que sont 'Nightwalkers' ou 'Lights On The Hill', le premier bétonné par des guitares tentaculaires, le second plus aérien, pour mesurer le travail d'écriture et d'arrangement réalisé. Et que dire de 'The Fall' dont les premières mesures augurent d'un morceau faussement classique, avant d'ouvrir un vaste paysage aux reliefs accidentés. Bien qu'elles ne soient pas liées entre elles par une même ligne directrice, ces longues et vigoureuses pièces partagent un terreau identique, enfonçant leurs noueuses racines dans un désespoir tourbeux et nocturne. Immersif et crépusculaire, "A Dawn To Fear" s'impose comme un très grand disque de Cult Of Luna, à la fois différent de ses plus récents prédécesseurs mais fidèle à une identité organique et bouillonnante. (24.10.2019 | Music Waves)

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