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Vielikan | Back To The Black Marsh (2019)



















Au moment de déflorer "Back To The Black Marsh", on se souvient avoir déjà croisé la route de Vielikan. C'était en 2010, presque une éternité, à l'occasion de "A Trapped Way For Wisdom", une première exploration qui nous avait plutôt fait bonne impression, creusant le socle lourd et noueux d'un (doom) death technique pas si éloigné que cela des débuts d'Opeth ou de Orphaned Land.

Depuis, plus rien, si ce n'est quelques pièces diffusées sur la toile. De fait, nous avions un peu oublié ce projet venu de Tunisie. Pourtant, Fedor Kovalevsky, son âme fondatrice, s'est toutefois montré moins silencieux qu'on ne le croit,  s'abîmant dans les indicibles arcanes du funeral doom par l'entremise de Omination dont le "Followers Of The Apocalypse" (2018) demeure un échantillon fascinant. Cette plongée dans un art plus funèbre semble avoir laissé des traces mais peut-elle expliquer à elle seule les couleurs extrêmement sombres sinon déprimantes que dresse ce Vielikan ressuscité ?

Bien que les deux projets paraissent différents, du moins partagent-ils désormais une même noirceur bourgeonnante et une envie identique de forer de tentaculaires souterrains. Si de part son titre, par ailleurs référence évidente au morceau intitulé 'Black Marsh', ce deuxième album souligne le retour du groupe tout en se positionnant comme la suite directe de "A Trapped Way For Wisdom", le gouffre qui les sépare n'en est pas moins vertigineux. Moins sans doute dans le fond, encore que son menu se veuille donc bien plus désespéré que celui de son devancier, que dans la forme, plus massive et cyclopéenne encore. Au son artisanal du galop d'essai répond d'une part une production plus ample quoique toujours authentique et sans afféteries. Surtout, "Back To The Black Marsh" déroule un labyrinthe d'une folle démesure. Seul à la barre, Fedor y donne libre court à une inspiration foisonnante que ne freine aucun obstacle. Il en résulte un ensemble long de 77 minutes (!) dont tous les chapitres, ou presque, affichent des durées conséquentes. Franchissant même la demi-heure, 'The Final Confrontation With the Soul Harvester In The Heart Of The Black Marsh' n'en est ainsi pas uniquement l'épicentre mais presque une œuvre à elle seule que compartimentent six pans successifs. Corolaire de cette profusion (Vielikan n'a d'ailleurs jamais aussi bien porté son nom qui signifie géant en russe), l'opus se mérite tant il impressionne par sa densité. Mais alors qu'il pourrait frôler l'indigestion, celui-ci au contraire se révèle passionnant de bout en bout, véritable voyage aussi épique que spirituel dans un monde rongé par la folie et la mort, comme une fenêtre ouverte sur l'âme déchirée de son auteur. On devine que Fedor s'est énormément investi dans cet album très personnel dont l'abondance ne lui interdit pas d'être intime. Qu'il se soit chargé de tous les instruments procède de cette dimension cathartique. Une forme de beauté n'est cependant pas absente de cette masse compacte, une beauté à la fois élancée ('Ethereal Travel') et pétrifiée, à l'image du très doom 'Mysticism, Thaumaturgy And Ephemeris'. D'ailleurs, à quel genre peut-on réellement rattacher Vielikan ? Au death, au black, au doom ? A chacun d'eux sans pour autant appartenir à ceux-ci. En réalité, le projet s'est affranchi des styles, des étiquettes, pour naviguer aux confins d'un multivers aux allures de trou noir. Vouloir en détailler toutes les (belles) idées, tous les trésors, reviendrait à el vider d'une part de sa magie. De fait, plutôt que de se lancer dans une description complète de ces compositions à tiroirs, mieux vous laisser les découvrir dans toutes leur force monumentale. Creusées par de profondes ramifications, elles se déploient à la façon d'un dédale  cosmique qui invite à l'introspection. Nombreux sont sans doute ceux qui rencontreront Vielikan grâce à "Back From The Black Marsh" dont la démesure peut rebuter mais qui brille de mille joyaux, nichés dans les abysses de son intimité, dévoilant les multiples facettes d'un metal extrême au goût d'Absolu. (29.05.2019)

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