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Orkan | Element (2018)



















Originaire - comme beaucoup d'autres - de Bergen, Orkan fait partie de ces jeunes pousses qui puisent dans l'héritage de leurs glorieux aînés, ces Grands Anciens qui ont établi les fondations du black metal.

De fait,  l'art que sculptent dans la roche froide ces Norvégiens ne cache pas son orthodoxie. S'ils ont la bonne idée de ne pas recourir à l'artillerie habituelle à base de corpsepaint dégoulinant et autres croix renversées, ces mercenaires de la chapelle extrême nationale (Taake, Krakow, Syrach...) restent en revanche fidèles aux lignes tranchantes, aux riffs bouillonnants de noirceur, aux traits abrasifs comme taillés dans la pierre d'une montagne massive et majestueuse. De leur origine norvégienne, ils tirent cette minéralité sévère que charrient des compos aux reliefs escarpés auxquelles des racines thrash confèrent une sève meurtrière.

Trois ans après un "Livlaus" de bonne mémoire, Orkan revient perforer nos orifices avec un troisième album dont la puissance granitique s'accouple à une architecture alambiquée. Ce caractère évolutif le rapproche, toutes proportions gardées cependant, de son compatriote Enslaved, comme en témoigne 'Avmakt', pulsation épique qui escalade, durant plus de neuf minutes, des paysages montagneux percés de crevasses vertigineuses et d'aplats émotionnels. Fureur implacable et beauté ambiancée se disputent ce titre fougueux et technique. Coupé en deux par 'Motstraums', piste courte et reptilienne aux guitares dissonantes, le menu est lancé par un 'Lenker' qui illustre d'emblée la manière dont les Scandinaves perturbent le classicisme de leur black metal en le travaillant tel un matériau qu'ils lacèrent de breaks et de respirations. Aux chants hargneux bien dans la tradition et aux six-cordes polluées de rouille répond une rythmique pulsative qui donne à "Element" son caractère torrentueux, à l'image de 'I Flammar Skal Du Eldast' qui oscille lui aussi entre brutalité froide et échancrure aérienne sur presque dix minutes galopantes. 'Iskald' dévoile quant à lui la part la plus directe de ses auteurs et 'en Vate Grav', la plus lourde et rampante. Etonnamment, l'offrande s'achève sur un 'Heim' des plus curieux car guidé par un chant clair de toute beauté qui domine un décor aplani et que drapent les claviers de Iver Sandoy (Enslaved), façon d'achever l'écoute sur une note apaisante et d'affirmer l'ambition d'un groupe qui peaufine peu à peu sa signature. Enraciné dans la terre norvégienne qui l'a vu naître, "Element" est une œuvre parfois fielleuse, souvent noire mais toujours envoûtante et organique. (02/12/2018 | Music Waves)



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