Tout semblait réuni pour faire de "In Hate With The Burning World" un très grand disque, une de ces baffes qui laissent de profondes marques dans la peau, que seul le temps - et encore ! - peut gommer. Jugez plutôt. Le chanteur et accessoirement leader de Rotten Sound, Keijo Niinimaa, qui éructe dans le micro, une pochette superbe, Svart Records comme label et une présentation alléchante, celle qui donne la bave aux lèvres, annonçant une hostie aussi noire que désespérée, définitive et nihiliste. Bref, quelque chose de malsain, de lourd, capable de faire trembler les murs, un sludge doom patibulaire et granitique aux confins d'un Death pétrifié. Ce premier rôt de Morbid Evils est pourtant bien tout cela (et même plus). On ne nous a donc pas menti. Les Finlandais pataugent dans le mazout, les guitares sont accordées plus bas que terre, libérant des ondes qui se fracassent contre une falaise rythmique dressée dans une nuit opaque. Tout y est pachydermique, monolithique, du chant spéléologique de Keijo aux tempos englués qui ne passent jamais la seconde. Bloc vicié de matière brute composé de six plaintes suffocantes, "In Hate With The Burning World" était taillé pour nous. Or celui-ci rate sa cible. Mais d'où viennent les grumeaux alors ? En fait, cet album a les défauts de ses qualités. A force de vouloir repousser les limites de la noirceur plombée et faire exploser le compteur Geiger, Morbid Evils en oublie presque le principal : savoir maintenir éveillé l'intérêt du pèlerin. C'est donc là que le bât blesse car on finit par décrocher en cours de route, la faute à une trame monotone qui ne quitte à aucun moment ses rails la menant dans les enfers. Ce qui est d'autant plus dommage que 'Cruel' qui ouvre cette étouffante procession et 'Burning World' qui la ferme sont deux monuments aux allures de bathyscaphe s'abîmant dans les profondeurs de la fosse des Mariannes, surtout le second qui, du haut de ses dix minutes au jus, semble ne jamais vouloir s'achever, lente agonie qui vibre sous les coups de boutoir du groupe au diapason de la lourdeur abyssale. Entres les deux se serrent quatre morceaux qui, bien que du même acabit, peinent à passionner autant, macérations qui ne connaissent qu'un mode, celui de l'excavation inexorable. Eu égard à sa valeur cependant bien réelle, le jugement pourra sembler sévère mais il reflète la (relative) déception qui colle à cet opus dont on attendait peut-être trop et qui ne parvient pas à susciter la dévotion qui lui était pourtant promise. Reste un bon disque et une formation à suivre de près... 3/5 (2015)
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