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KröniK | Sylvaine - Wistful (2016)


Si le black metal fourmille depuis toujours de one-man bands, les femmes solitaires s'y font en revanche beaucoup plus rares, comme d'ailleurs dans la plupart des autres styles. Sylvaine compte donc parmi ces quelques belles qui ont décidé de tout faire elles-mêmes, artistes complètes que n'effraie aucun instrument. Malgré ce que son nom pourrait laisser croire, la séduisante blonde - ce qui ne gâche rien - n'est pas française mais norvégienne, originaire d'Oslo pour être précis. Pourtant, de nombreux liens semblent l'unir à notre pays. Ainsi, capturé dans l'antre de nos Drudenhaus Studios, "Wistful" voit aujourd'hui la nuit chez Season Of Mist. Mais, davantage qu'à travers ces détails formels, cette âme française se matérialise avant tout dans l'essence même de la musique qu'elle tisse, enracinée dans le substrat d'une doucereuse noirceur de ce blackgaze à la fois contemplatif et abrasif que forge Alcest, devenu en quelques années une des formations les plus influentes du genre. Si Neige, son leader, apparaît sur ce deuxième album au détour de quelques parties de batterie, sa présence va pourtant en réalité bien au-delà de cette discrète participation tant les lignes vocales écorchées semblent être son œuvre et non pas celle de la maîtresse des lieux, cependant que le chant clair n'est pas non plus sans évoquer les mélopées d'Audrey Sylvain, ancienne partenaire de Neige au sein du trop tôt disparu Amesœurs et de Peste Noire. Sylvaine baigne dans cette mouvance douloureusement éthérée dont certains Ayatollahs estimeront toujours qu'il ne s'agit pas de black metal. Mais il faut être sourd pour ne pas percevoir la désolation qui infuse de cette partition écrite à l'encre noire du désespoir par une artiste avec un grand A dont l'interprétation à tous les postes ne saurait susciter la moindre réserve. Encore trop sous influence, la maîtresse des lieux distille néanmoins sa timide personnalité qui devrait, n'en doutons pas, s'affirmer avec le temps, lorsque sa voix d'une pureté cristalline entraîne l'auditeur le long d'une sente mystérieuse que borde une forêt engluée par le froid hivernal, témoin ce 'Ghost Trapped In Limbo' d'une poésie mortuaire. Les envolées post-rock d'un 'Like A Moth To A Flame' et l'ambient squelettique du terminal et éponyme 'Wistful', pièce instrumentale que voile une inexorable mélancolie, participent d'une signature qui se nourrit de l'humus scandinave. Certes (trop) inféodée aux codes du black shoegaze, Sylvaine n'en demeure pas moins un projet passionnant qui doit beaucoup de son magnétisme aux charmes à la fois éthérés et fantomatiques de son auteure, qui se fend d'une offrande que les amoureux du genre ne peuvent bouder. 4/5 (2016)


                                   

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