Il n'est jamais aisé de juger un groupe à l'aune d'un premier album, EP de surcroît, peu de repères ni de points de comparaison permettant sa découverte. Tel est le cas de Isrike jeune pousse qui s'offre à nous aujourd'hui grâce à ce Utiseta dont la (trop) courte durée, vingt minutes à peine, ne l'exonère cependant pas d'un potentiel qui couve sous la glace d'un art noir séculaire. On ne sait pas grand chose sur l'origine de ce montage européen réunissant le Suédois Viddhar (guitare et programmation), la Française Erszebeth (choeurs) et l'Allemand Skuggi (chant) si ce n'est que le ciment de ce projet s'enracine dans la géographie et les mythes du Grand Nord. Reste donc la musique, souvent belle, toujours sombrement glaciale. Quatre pistes honorent la tradition d'un black metal comme Dissection, Diabolical Masquerade ou Sacramentum en forgeaient dans les années 90, féroce et mélodique tout ensemble. Si la batterie semble trop en retrait, (Muspells Eld), de même que les guitares qu'on souhaiterait plus puissantes bien que, mordantes, elles ne soient pas avares en agressivité (Götterdämmerung), le chant en revanche mange tout l'espace, creusant dans la roche froide de profondes morsures. Aussi hargneux que ténébreux, celui-ci est parfois souligné par des choeurs féminins empreints d'une noble majesté, lesquels ajoutent une touche personnelle à ce socle des plus classiques. Mais avec peu, quelques arrangements et ces vocalises prisonnières du permafrost, le groupe réussit à distiller ce souffle nordique, à la fois frissonnant et envoûtant et à capter l'essence du Ginnungagap, abîme mythologique séparant les deux mondes du froid et du feu. 'Lokabrenna' lance l'écoute avec une emphase obscure, drapé dans le suaire spectral d'une froideur brumeuse. Après une intro crépusculaire, Niflheimr s'impose comme le titre plus véloce du lot, le plus brutal surtout, malgré les rares éclairs mélodiques qui le transpercent. Quant à Muspells Eld, ses relents trashy évoque le fantôme du Diabolical Masquerade originel. Enfin, Götterdämmerung ferme la marche et se hisse au sommet de ce tertre, épopée tumultueuse traversée par de multiples cassures. Voilà donc un essai prometteur dont on regrettera seulement une nature digitale qui se prête mal à cette aura ancestrale que le groupe cherche à raviver...3/5 (2016)
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