Septième méfait de Morbid Angel, "Gateways To Annihilation" marque la seconde collaboration du groupe avec Steve Tucker. Si "Formulas Fatal To The Flesh" semblait presque être le fruit du seul Trey Azagthoth, son successeur se rapproche davantage d'une oeuvre collégiale. Le chanteur a trouvé sa place, participant même à la composition de quelques titres, cependant que le guitariste Erik Rutan est déjà de retour, après un hiatus de trois ans et en attendant de quitter de nouveau le vaisseau, définitivement cette fois-ci, en 2002. Réputés pour la vélocité de leur Death Metal, les Américains surprennent avec ce disque qui les voit serrer le frein à main plus que de coutume, quitte à décevoir une partie de leur public. A tort. A son écoute, on mesure pourtant que Morbid Angel n'a pas mis en jachère sa noirceur malsaine, bien au contraire car de ces tempos pesants, reptiliens, suintent une négativité oppressante qui fait de cet album l'un des plus terrifiants jamais enfantés par ses créateurs. Et donc l'un des meilleurs également. Sous-estimé à sa sortie justement pour son soi-disant déficit en brutalité, "Gateways To Annihilation" mérite de fait d'être réévalué à sa juste valeur, car quinze ans après sa publication il n'a rien perdu de sa force souterraine. Mieux, par ses traits puissamment cryptiques, il apparaît comme une œuvre visionnaire. Contrairement à "Formulas Fatal To The Flesh", labyrinthe sinueux malheureusement parasité en fin de parcours par des pistes instrumentales qui ne se justifiaient pas, cet opus a quelque chose d'un bloc suffocant et indivisible d'une terrifiante densité. Passée une introduction bizarre, l'étau se serre d'emblée avec 'Summoning Redemption', longue excavation rampante forant les arcanes de la terre guidée par les lignes de guitare cosmiques comme venues d'une autre planète du maître Azagthoth. Même constat avec 'Angeless, Still I Am', plongée infernale dans les profondeurs d'un puits sans fin. Bien que toujours très technique, Morbid Angel mise sur les ambiances, sur les atmosphères viciées et n'est parfois pas si éloigné que cela d'un death doom abyssal, témoin 'He Who Sleeps', rouleau-compresseur qui fait trembler les murs. Il faut attendre 'To The Victor The Spoils' pour que le rythme commence réellement à s'emballer, malgré des guitares toujours accordées plus bas que terre, ouvrant sur une seconde partie sans doute plus conforme à ce que certains attendent des Américains ('Secured Limitations', 'Opening Of The Gates'), encore que nombre de pistes s'abîment dans les méandres obscurs d'une lourdeur hallucinée, à l'image de 'At One With Nothing' aux échappées démentielles, et surtout du terminal 'God Of The Forsaken', épilogue définitive et cette fois réussie d'un opus certes plus lent que ses devanciers et ses successeurs, mais finalement (plus) redoutable dans sa brutalité cyclopéenne. Coincé entre "Formulas Fatal To The Flesh" et "Heretic", "Gateways To Annihilation" ne s'impose pas seulement comme le meilleur album de la période Steve Tucker mais comme une des œuvres majeures du groupe, avec "Blessed Are The Sick" dont il se rapproche par ses ambiances sombrement bourgeonnantes. (2015)
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