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KröniK | Wodensthrone - Curse (2012)


Si on peut regretter que Wodensthrone n'ait pas poursuivi l'alliance contractuelle scellée avec le modeste label américain Bindrune Recordings qui l'a sinon découvert - le groupe avait déjà alors deux splits dans sa besace – lui a du moins permis de franchir une étape, il est néanmoins évident que Candlelight qui l'a récupéré peu après la publication de Loss, a davantage la carrure nécessaire pour l'aider à décupler le succès rencontré par cette première offrande. Reste que ce sont souvent les petits labels qui abattent le plus gros travail, les gros se contentant ensuite d'en moissonner les fruits. Mais revenons à notre sujet, c'est-à-dire à Wodensthrone, troisième côté d'un véritable triumvirat du néo-Black-Metal anglais avec Fen (en plus atmo et post rock) et surtout Winterfylleth, avec lequel il noue aussi bien des liens fraternels puisqu'on retrouve parmi ses membres et principal compositeur, Richard Brass, ancien guitariste de Wintefylleth donc, que spirituel, les deux groupes partageant une muse identique, celle de l'Angleterre païenne. En 2009, Loss fut à la hauteur de l'attente suscitée, à la fois par sa filiation avec la famille Atavist et par Over The Binding Of The Waves, le split avec Folkvang. A peine lui reprocha-t-on l'influence trop marquée de Primordial et de Drudkh. Curse se devait d'être autant une confirmation qu'une affirmation, celle d'une personnalité plus nette. Concernant le premier point tout d'abord, Wodensthrone dresse une inspiration encore plus dure et vigoureuse qu'il y a trois ans. Si Curse reprend les bases établies par son prédécesseur, notamment ces structures épiques, n'hésitant pas à tutoyer les dix minutes quand il le faut, il les transcende, les propulse vers les sommets que nous espérions voir le groupe commencer à escalader. S'ouvrant sur un court instrumental vite enterré, l'album suit une courbe ascendante. A "Jormungandr" et "First Light", solides compositions au demeurant, qui animent la première des trois parties qui se dessinent, succèdent "The Great Darkness" et "Battle Lines", ensemble massif qui impose définitivement le talent des Anglais pour ériger un art noir riche d'une emphase séculaire et crépusculaire. Bien que très présents, les claviers accompagnent plus qu'ils ne soulignent à gros traits les paysages majestueux forgés par ces guitares abrasives. Ces deux titres forment l'épicentre de l'opus dont l'intérêt se stabilise un temps avec "Wyrgpu", dans la lignée de ses compagnons, puis "The Storm", pulsation ferrugineuse et guerrière à laquelle on ne s'attend pas vraiment de part sa vélocité tout du long maintenue et sa (relative) courte durée, laquelle tranche par rapport au reste du menu. Mais son fondu-enchaîné à ce qui s'avère être l'apogée de ce deuxième calice est irrésistible et justifie à lui seul la présence de ce morceau, le plus Black Metal du lot. Curse meurt avec "The Name Of The Wind" qui renferme une seconde surprise, de taille celle-ci. Cette conclusion démarre d'une manière très atmosphérique, au son du vent. Puis la batterie survient et le rythme décolle sur un lit de claviers. C'est peu à peu un climat d'une beauté infinie, mêlée de tristesse que ni le chant noir et rocailleux ni les brusques et grandioses accélérations ne réussissent à effacer. Puis le titre entame une décélération douloureuse qui permet au groupe de démontrer l'étendue de son spectre émotionnel, jusqu'à ce que rugisse la voix abyssale de Greg Chandler, invité de luxe dont la présence s'explique autant par le fait qu'il a enregistré et mixé l'album que par l'évidence de cette association. Conjugué aux cris du chanteur d'Esoteric, la musique de Wodensthrone accède alors à une autre dimension, quasi cosmogonique. Sûrement un des plus beaux morceaux entendus cette année. Ni plus ni moins ! Confirmation du potentiel déjà à l'œuvre sur Loss, Curse se veut enfin l'affirmation d'une identité, d'un style désormais plus personnel, qui ne doit ni à Primordial ni à Winterfylleth. La formation a digéré ses influences, ses racines, aboutissant à un Black-Metal d'un paganisme épique qui n'appartient qu'à elle. Marqué par le sang et le fer des ancêtres, Curse est une plongée dans une époque reculée dont ses auteurs ont su capter l'âme ainsi que la nature païenne. 4/5 (2012)


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