Son nom est sans doute moins connu des profanes que les entités dont il est ou fut l'âme, de Sophia à Arcana sans compter tous les multiples projets auxquels il a collaboré. Ce n'est pas grave. Peter Bjärgö est une des figures tutélaires des sphères musicales sombres. Lorsqu'il décide de tenter l'aventure en solitaire ce n'est pas pour naviguer sur des eaux vierges mais plutôt pour creuser un sillon qui lui est familier, celui d'Arcana notamment, soit un kaléidoscope émotionnel écrit à l'encre noire drapé dans un linceul à la dimension monacale évidentes. A Wave Of Bitterness est un recueil de neuf versets aussi envoûtants que désespérés. Seul aux manettes, le Suédois balaye un espace ténébreux néanmoins plein de grâce qui confine à l'introspection. Sa voix profonde est le faisceau qui nous guide dans ce monde crépusculaire d'une beauté évanescente. D'une forme cyclique d'une grande pureté, cet opuscule débute par une marche funèbre, "Iana", dont les notes de piano sonnent comme l'appel du glas. Le décor est posé, celui qui orne le gisant. Souligné par des percussions tribales, "A Wave Of Bitterness" s'envole ensuite très haut, voyage atmosphérique dont la délicatesse du trait fait qu'il nous échappe. Insaisissable ! Après un "In Useless Retrospective" mortuaire, "A Choice Of Silence" s'ouvre sur une plastique proche des modelés néo-classique développé par Arcana et donc dans une veine proche de Dead Can Dance. Le chant de Peter procède d'ailleurs de cette comparaison, de même que ses arrangements planants et ses nappes de claviers en forme de voiles d'ambiances. Suivent trois respirations à l'architecture quasi-instrumentale que seuls des murmures viennent caresser. "Insomnia", courte déambulation merveilleuse et poétique, l'hypnotique "VI" tout en percussions, et le tragique "A Slow Wave" dont les volutes orchestrales vous empoignent avant de vous transporter loin, tellement loin, ressac d'émotions qui vient s'écraser contre des falaises érodée par la douleur. Puis Peter Bjärgö atteint la quintessence de son art avec le monumental "Imprisonment Of The Mind" d'une beauté à vous donner des frissons en même temps qu'une forme d'Absolu. Quelque chose qui touche au Divin et que seule une poignée de créateur parviennent à effleurer. A Wave Of Bitterness se serait réduit à cet unique morceau qu'il aurait encore été indispensable. Essentiel ! L'écoute meurt comme elle a débuté, par une ode funéraire squelettique. Bien que l'on puisse regretter la courte durée de l'expérience (quarante petites minutes, c'est bien peu) mais outre le fait que les plus grands joyaux ne sont pas forcément les plus longs, cela n'altère en rien la passion que l'on peut avoir pour cet album miraculeux. Les mots manquent, paraissent sans saveur pour décrire une telle œuvre, assurément une des plus belles de son auteur dont on admire l'élégance et la justesse avec lesquelles il dessine des images sombres. 4/5 (2009)
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