Nonobstant les qualités réelles de Season Of Mist, on se demande quand même ce que vient faire Drudkh chez l'écurie marseillaise ! Alors certes, une légende telle que Mayhem a rejoint depuis longtemps ce label mais les Ukrainiens se repètent dans un humus bien plus underground que celui des Norvégiens. Pour ceux qui ont découvert cette mystérieuse entité avec la gemme noire qu'est Forgotten Legends en 2003, cette promotion ne peut que laisser perplexe, après tant d'années passées chez Supernal Music, structure plus modeste qui lui convenait bien davantage et qui du reste accueille tous les projets de Roman Saenko, l'âme du "groupe", du regretté Hate Forest à Dark Ages sans oublier Blood Of Kingu. Car Drudkh fait partie de ces formations qui ne peuvent proliférer que dans l'obscurité : ni photos ni crédits dans des livrets réduits au strict minimum, à des années-lumière donc des digipacks et autre coffret luxueux aujourd'hui de mise. Season Of Mist n'a rien compris. Heureusement, Drudkh n'a pas changé et Microcosmos porte sa signature, à savoir ce black metal atmosphérique et mélancolique dont le combustible réside dans le terreau païen national (iste ?). Encadrés par une intro et une outro folkloriques, quatre très longs périples en constituent le coeur. Ceux-ci sont tout d'abord un peu décevants. Ils semblent manquer de puissance tandis que les ouvertures instrumentales qui les percent dans le plus pur style du groupe, donnent l'impression d'être maladroites presque téléphonées, plus collées au reste que véritablement intégrées. On sent que Saenko cherche timidement à renouveler sa palette, comme en témoignent les dernières minutes de "Distant Cries Of Crane", très bon morceau au demeurant, mais cette tentative se solde par un résultat mitigé. Toutefois, cet album - le septième déjà, sans compter le EP Anti-Urban - ne dévoile en fait son âme que progressivement. Les écoutes aidant, on le trouve bientôt supérieur à son prédécesseur, Estrangement, quand bien même il s'aventure dans des méandres identiques. Surtout, il est émaillé par deux chefs-d'oeuvre absolus qui justifient à eux seuls son acquisition. "Decadence", pour commencer, qui débute par une très longue introduction d'où ruisselle un désespoir inexorable, au point de croire qu'il s'agit d'une plainte instrumentale. Il n'en est pourtant rien et le chant finit par surgir à mi-parcours, ouvrant la porte sur des étendues épiques et sauvages comme les Ukrainiens les affectionnent. "Everything Unsaid Before" ensuite lequel, s'enracine dans un socle tortueux. Après un début pied au plancher chargé de fulgurances, le titre marque une pause brutale, empreinte d'un désenchantement profond qu'égrènent des guitares engluées dans la tristesse, colonne vertébrale le long de laquelle la trame se délie jusqu'à un final beau à en pleurer. Encore un très grand album en définitive de la part d'un groupe dont on a malgré tout l'impression qu'il ne parviendra jamais totalement à renouer avec la triste beauté et les sombres atmosphères de Forgotten Legends, oeuvre qui se drapait dans une aura tout autre que Estrangement ou Microcosmos. Drudkh donne l'impression de rester prisonnier d'une recette même si l'on sent par instant une volonté réelle de s'en extraire. Ceci dit, il sait encore nous toucher. Mais pour combien de temps ? 3,5/5 (2009)
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