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Downfall Of Gaia | Ethic Of Radical Finitude (2019)



















Peu importe les étiquettes que l'on souhaite vous coller ou les cases dans lesquelles vous devez rester enfermés, l'essentiel est le ressenti chez l'auditeur et les émotions que vous déclenchez en lui. Le reste n'est que détail.

De fait, l'important n'est pas de savoir si Downfall Of Gaia a bel et bien toute sa place au sein du landerneau black metal mais d'admettre le talent immense qui est le sien. Hybridant, metal atmosphérique, sludge et art noir, les Allemands tracent leur chemin depuis dix ans, arrimés, malheureusement pour eux, à la mode "post" machin-chose, qu'il n'est pas interdit, parfois, de trouver jouissive, comme c'est le cas ici. Tous les deux ans, le quatuor, éclaté entre Berlin, Hambourg et Hanovre, livre une nouvelle pierre à un édifice de plus en plus vertigineux. S'il s'inscrit dans le sillage de "Atrophy", "Ethic Of Radical Finitude" s'en distingue cependant - ainsi que de ses autres prédécesseurs - par sa nature non conceptuelle, bien qu'un fil conducteur relie les six titres les uns aux autres, lesquels se doivent toutefois d'être appréhendés dans leur tentaculaire individualité. La quête d'une paix intérieure qu'incarne un endroit précieux, un foyer où l'on se sent en sécurité, que l'on ne trouvera peut-être jamais, commande un album extrêmement dynamique, évolutif dans son expression tumultueuse, puissant dans sa peinture émotionnelle et introspective. Il en découle un menu dont la force cataclysmique se conjugue à une tension rentrée. La longueur des compositions dont certaines tutoient les dix minutes au compteur offre le terreau idéal à une richesse instrumentale bourgeonnante. Les musiciens sont à l'unisson d'une noirceur à la fois torrentielle et atmosphérique. Si, rageur et  hurlé, le chant déverse une marée noire épaisse qui se fracasse contre une monumentale falaise rythmique, claviers et guitares percent dans ce lourd et implacable substrat d'immenses fissures laissant échapper un magma envoûtant et beau comme un chat qui dort.

En moins de six minutes, 'The Grotesque Illusion Of Being' synthétise cette dualité entre ombre et lumière, entre fureur déchaînée et flamboyance majestueuse. Mais ce sont surtout les deux sentinelles que forment 'We Pursue The Serpent Of Time' et 'Guided Through A Starless Night' qui témoignent de la maîtrise à laquelle Downfall Of Gaia est parvenu en quelques années, pièces d'orfèvre orageuses qui prennent le temps de respirer en dépit de l'étau qui les serre. Chaque compo a des allures de périple initiatique le long d'une route sinueuse où l'espoir cède la place aux doutes, les tourments à la sérénité. Mais au bout du chemin, l'incertitude demeure, cette quête d'un bonheur ne pouvant se solder que par un échec... D'où la profonde mélancolie qui ourle tout du long, empêchant toujours ces pulsations de décoller vers la plénitude promise et attendue. D'où également la dimension cyclique d'un opus tourbillonnant dont la conclusion teintée d'amertume invite à poursuivre le voyage... éternellement. Il est l'écrin colérique mais parfois intimiste aussi, d'un blackened post metal dont les Allemands donnent une lecture paroxysmique. (26.01.2019 | Music Waves)


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