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KröniK | Sombre Croisade - Balancier des âmes (2017)


Alors que le genre, de plus en plus protéiforme, ne cesse d'être travaillé par de multiples courants (post black, shoegaze, atmo...) qui contribuent à le rendre plus mortifère encore ou au contraire à le vider de sa substance, il est bon de voir qu'il existe encore des irréductibles à croire en la pureté malsaine d'un art noir sourd à toute évolution, imperméable à tout kyste extérieur. Sombre Croisade fait partie de ceux-ci. Ses deux membres ont le black metal chevillé au corps et à l'âme, qu'ils s'emploient à honorer par l'entremise de nombreuses entités , ensemble (Suicidal Madness, Blukvla) ou séparément.
A ce titre, on ne compte d'ailleurs plus les projets auxquels le chanteur Alrinack prête ses talents telles que Asphodeles, In The Mist ou Loup Noir, pour n'en citer que quelques uns. Ce stakhanovisme explique peut-être pourquoi le duo n'avait plus donné signe de mort depuis L'aube illusoire,  alliance scellée avec Augure Funèbre, voilà maintenant quatre ans. Successeur de Litanie au mal, Balancier des âmes n'en était donc que plus attendu, comme un Graal sinistre. L'oeuvre se montre à la hauteur de l'attente, conjuguant l'orthodoxie d'une expression morbide et la puissance glaciale d'une érection créatrice, le tout enrobé d'une prise de son ad hoc (le mixage a été confié à l'indispensable Déhà), authentique sans pour autant se confondre avec une infâme bouillie. Bref, chaque instrument a l'espace nécessaire pour respirer, la basse notamment, qui claque comme un bout de peau tendu. Ni true ni suicidaire, Sombre Croisade ne fait aucun compromis, ouvrant les veines d'une négativité morbide et hivernale. Ne cherchant donc nullement à révolutionner un genre où plus qu'ailleurs, les valeurs et la foi ont un sens, le tandem ravive les stigmates du mal originel, s'inscrivant comme héritiers d'une longue tradition hexagonale à laquelle participent autant le chant en français empreint d'une poésie lugubre que ces guitares à la fois tranchantes et grésillantes. Les six parties de ce retable taillé dans la roche froide, affichent une agressivité crépusculaire, tumultueuses comme un torrent en crue charriant un flot de noirceur (Renaissance, Don ténébreux), ce qui ne leur interdit pas d'être sombrement mélodique (Balancier des âmes).  Telle une marée noire, la nuit se répand au son d'une tristesse épaisse, qui tapissent les parois d'un Midiane haineux et culmine lors du terminal Souffles d'ailleurs dont les presque neuf minutes au compteur pousse l'opus dans les méandres obscures d'une dépression vicieuse. Le maître mot qui s'impose à l'écoute de ce second méfait est sincérité. Sincérité de musiciens qui ont prêté allégeance aux ténèbres. Sincérité d'un art où les atmosphères funèbres le disputent à une froide malveillance. 3.5/5 (12/10/2017)






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