AU PIF

KröniK | Amenra - Mass VI (2017)


Attention, sérieux concurrent au titre de l'album de l'année en vue ! Figure tutélaire et nourricière de toute la chapelle sludge / post metal, Amenra n'est pas un groupe comme les autres, expliquant pourquoi chacune de ses offrandes est attendue comme un graal doloriste. Une relation viscérale, presque charnelle, unit cette entité culte à son public qui suit ses expérimentations les yeux fermés.
Si le collectif belge n'a jamais déserté nos platines, entre l’EP capturé sur scène "Alive", la réédition en cassette sous la forme d'une luxueuse box, de "Afterlife", originellement enfanté en 2009, sans oublier les escapades solitaires du chanteur Colin H. Van Eeckhout via son projet CHVE, il n'en demeure pas moins que le successeur de "Mass V" s'est fait désirer, cinq années séparant les deux opus. Une éternité. Plus le temps passe et plus Amenra étire ses silences discographiques. Mais ce sixième effort longue durée est désormais là, prêt à être défloré. C'est presque religieusement que l'on entame la lente pénétration de son intimité. Gravé au burin sous la houlette experte de Billy Anderson qui aura su enrober le son des Belges d'un fuselage plus épais encore, "Mass VI" s'arc-boute autour de six pistes dont deux se réduisent en réalité à de courtes (fausses) respirations, parlée pour la première ('Edelkroone'), d'une tension paroxysmique pour la seconde ('Spijt'). Si sa signature, écrite à l'eau-forte, se révèle reconnaissable entre mille, le groupe reste plus que jamais le maître incontesté d'un art d'une froide sévérité où les atmosphères pétrifiées sont sculptées avec une violence déchaînée. En cela, le terminal 'Daiken' est un modèle du genre, longue élévation que tricotent des musiciens qui n'aiment rien moins que faire monter le désir (funèbre) en repoussant jusqu'à la limite du supportable une coulée granitique aux allures de magma colérique charriant une tension désespérée.  Le chant, tantôt hurlé ou au contraire apaisé, participe de cette ambivalence crépusculaire qui écartèle ces compositions sinueuses dont le tracé s'apparente à un grand-huit émotionnel. On ne soulignera d'ailleurs jamais assez combien, dans un style écrasé par les modelés saturés et les aplats viciés, les lignes vocales de Colin H. Van Eeckhout, notamment quand elles se fragilisent, comme lors du douloureux 'Plus près de toi', jouent un rôle prépondérant dans l'édification de ce mausolée souterrain et ne sont pas étrangères à la fascination qu'exerce ce matériau crépusculaire.  Mieux, la beauté sourde qui suinte d'un 'A Solitary Reign' engourdi ne doit pas vous tromper quant à la noirceur charbonneuse et désespérée d'une œuvre puissamment mélancolique. Grondant d'une force sismique, 'Children Of The Eye', grâce auquel "Mass VI" ouvre ses lèvres, illustre cette écriture au cordeau, écrasante comme une chape de plomb et pourtant aérée. Ces titres ont ainsi quelques chose de blocs de matière brute que percent des embrasures décharnées à travers lesquelles filtre un pâle souffle de vie. Massives et délicates tout ensemble, les guitares forment les racines noueuses et minérales qui poussent ces blockhaus vers un gouffre béant. S'il n'a plus rien à prouver, Amenra n'en continue pas moins de travailler son art qu'il polit avec un sens de la douleur qui confine à la contrition. 4/5 (17/09/2017)





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire