Pouvez-vous revenir sur la fondation de Cepheide ? Quel était alors votre but ? Que cherchiez-vous à exprimer ?
Thomas : Nous n'avions pas d'ambition particulière hormis celle de faire la musique que nous voulions entendre, qui nous manquait au quotidien. Nous n'avons pas théorisé le projet à son commencement et n'ayant pas les mêmes approches de ce que nous faisons, chacun aura une manière différente de raconter ce projet. Je pense que nous avons extériorisé nos frustrations et nos colères dans ce groupe. En cela, Cepheide est un exutoire pour nous.
Vous possédez déjà une forte identité qui, je trouve, ne ressemble à aucune autre. Comment la définiriez-vous ?
Gaetan : C'est un peu dur d'avoir du recul sur son projet par rapport aux autres. Quoi qu'il en soit , cela peut s'expliquer peut être par le fait que justement nous ne prêtons pas attention aux «codes» du black métal en général car nous ne nous sentons pas concernés par ce genre de choses. Nous nous posons beaucoup de questions sur l’existence, notre place dans le monde et dans l'espace etc , donc nos compos et notre visuel s'inspirent de ces questionnements qui nous semblent plus important que certains codes pour appartenir à une « scène ».
Votre art est aux confins du black dépressif et du post black. J'imagine que vous n'avez que faire de ce genre d'étiquettes mais êtes-vous cependant d'accord avec cette définition ?
Gaetan : J'ai du mal à être totalement en accord avec le mot dépressif. Bien que le chant soit à vif et que les textes traitent de sujet souvent difficile, il y a aussi des passages très lumineux que ce soit sur le plan musical ou dans les textes. On va dire que l'étiquette « Black » suffit pour traduire la partie sombre du projet et que le reste découle plus de la folie et d'une hypersensibilité que de la dépression.
Thomas : Je ne sais pas, nous ne nous attachons pas vraiment à ce que nous avons fait et nous ne souhaitons pas refaire ce que nous avons déjà accompli. Nous réinventer à chaque chapitre est une volonté pour nous.
Cepheide se caractérise par la longueur de ses compositions. De quelle manière s'articule leur écriture ? Est-ce plus difficile de faire ce genre de morceau ?
Thomas : Ça dépend vraiment de l'ambiance que l'on a envie de donner à nos albums. "De Silence et de Suie" avait un caractère plus "tempétueux" et "infâme". L'écriture a été très spontanée et brutale. L'enregistrement a lui aussi été dans ce sens et les compositions ne traînent pas. Nous avons composé "Respire" totalement différemment. Nous prenions le temps d'écouter, de réfléchir aux thèmes développés et aux sonorités. De plus, dans son concept intrinsèque, Respire se devait de ne pas être coupé en morceaux traditionnels. Globalement, nous n'avons pas écrit des morceaux longs pour faire des morceaux longs. Il se trouve que c'est ce qui en est sorti de nos réflexions.
Je trouve que votre art revêt aussi une dimension très visuelle, presque picturale. Il m'évoque par exemple les travaux de Gustave Doré par exemple.
Thomas : C'est un artiste qui est très mis en avant par cette scène mais nous n'avons pas pensé à lui ni à un autre. Je pense que les gens peuvent identifier notre musique à ce qu'ils veulent. Certains y voient des paysages marins ou célestes, d'autres y voient simplement leurs émotions les plus noirs. Nous essayons de faire correspondre nos artworks avec l'atmosphère de nos albums. Les gens peuvent penser que nous avons pour sujet l'espace, le vide, etc, mais nous préférons y voir la futilité de l'être humain à l'échelle cosmologique.
Malgré la forte dimension instrumentale de votre musique, les textes se révèlent tout aussi important. Quels thèmes abordés-vous ? Êtes-vous influencés par certains poètes français ?
Gaetan : Oui, les textes sont tous aussi importants que le coté instrumental de nos compositions et sont surtout écrits pour qu'ils trouvent une résonance même détachés de leur morceau respectif. Pour Cepheide, il n'y a pas d'influences particulières. Au moment où ils ont été écrits, je ne lisais quasiment pas ou du moins pas assez pour en être influencé. Par ailleurs, je lisais et je lis régulièrement le dictionnaire afin d'être inspiré par l'essence et la sonorité du mot en lui même et non par une phrase ou par un concept déjà achevé. J'ai l'impression que cela permet d'être plus libre dans la construction, dans le mariage des mots et fait travailler d'avantage l'imaginaire. Il n'y a pas non plus de thème particulier pour Cepheide bien que les textes évoquent très souvent le souvenir et la folie. Pour moi, le premier engendre souvent le second. Le temps qui passe et le coté nébuleux de la vie est responsable de tellement de névroses.
Vos textes semblent se nourrir de religion et de philosophie. Est-ce exact ?
Gaetan : Nous n'évoquons pas la religion dans nos textes. Pour ma part, je la trouve malheureusement déjà trop présente et dénuée de sa sacralité dans la société actuelle pour qu'il y est un intérêt à faire de la surenchère. Je suis plus en accord avec le terme de philosophie même si il n'y a pas d'idéologie propre à Cepheide. Nous essayons de faire en sorte que l'articulation des phrases soient la plus abstraites possibles afin de rendre les textes plus nébuleux, plus doux pour des sujets abordés souvent sensibles. J'aime l'idée que le thème principal puisse être différent suivant la lecture de chacun, alors que l'essence propre du texte raisonne pourtant entre chacune de ses lignes.
J'aime beaucoup la façon dont vous placez le chant, à la fois lointain et pourtant agressif.
Gaetan : Dans nos compostions, nous considérons le chant comme un instrument à part entière. Nous essayons donc de le placer en conséquence par rapport aux autres éléments du morceau. Je ne suis pas trop d'accord avec le mot « agressif ». Nous souhaitons que le chant interpelle et accentue certains passages mais il n'a pas la volonté de heurté l'auditeur ou de créer une rupture. De plus, si on rejoint l'étique du projet, même si le chant est hurlé , il est plus question de mise à nu et de mélancolie que d'agressivité.
Une démo, un EP, à quand l'album ?
Thomas : Bien que nous n'ayons jamais vraiment parlé d'EP ni de démo pour nos sorties passées, nous travaillons en ce moment à un format plus long. Nous commençons à avoir une idée de ce vers quoi nous souhaiterions aller en terme de sonorité mais nous allons prendre le temps nécessaire pour faire mûrir nos idées.
Gaetan : Globalement, nous aimerions aboutir à un album qui puise autant dans la spontanéité de De silence et de suie que dans l'aspect plus réfléchi et plus progressif de Respire.
Vous produire sur scène vous intéresse-t-il ?
Thomas : Ce n'est pas notre objectif premier mais nous avons commencé à nous y mettre, oui.
D'une manière générale, ne croyez-vous pas que le black métal perd une part de sa magie, de son aura, lors de concerts parfois approximatifs ?
Thomas : Je pense que l'on sait à quoi s'attendre. Les concerts de Black metal ont toujours plus été une sortie au bar entre potes qu'une messe noire de toute façon. On écoute pas de la même façon tel ou tel artiste, surtout au sein de cette scène. En ce qui nous concerne, nous n'essayons pas de coller absolument à nos enregistrements, mais plutôt de jouer nos compos tel qu'on le ressent sur le moment.
Un mot sur Scaphandre ? Le projet existe-t-il toujours ? Les EPs datent de 2012 déjà...
Gaetan : Alors, le projet existe toujours mais pour le moment il n'y a pas de nouvelle sortie de prévue. A l'époque, j'ai démarré Scaphandre car je ne me retrouvais dans aucunes des influences que pouvait me proposer mon entourage. Depuis le commencement de Cepheide, ayant la chance de trouver une complémentarité avec Thomas et Sébastien, je ne ressent pas le besoin de sortir un album solo et je préfère m'investir dans une composition commune. De plus j'ai également intégré un projet de black métal raw atmo' récemment dont la démo devrait sortir d'ici peu, ce qui me prend beaucoup de temps et d'énergie. Étant très enthousiaste pour ce nouveau projet et pour la suite de Cepheide, Scaphandre est donc simplement mis un peu de coté pour le moment.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire