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KröniK | Void Paradigm - Earth's Disease (2015)


De tous les membres d'Ataraxie, passés ou actuels, Jo Théry est sans doute celui qui reste le plus attiré par les Ténèbres, avec le batteur Pierre Sénécal. Ses escapades en dehors du giron maternel, qu'elles aient été avortées (Bethlehem) ou éphémères (Hyadningar), témoignent d'une soif de noirceur que son principal port d'attache pourtant peu enclin à la joie de vivre, ne suffit à épancher. Void Paradigm est né de ce besoin, de cette attirance pour les forces sombres. Mais pas que. Car loin de se cantonner à une orthodoxie tant sonore, visuelle que conceptuelle, ce sont les arcanes d'un art noir quasi expérimental qu'explore ce groupe que le chanteur et bassiste partage avec Julien Payan, son ancien comparse au sein de Hyadningar, et Alexis Damien de Pin Up Went Down, derrière les fûts. De fait, certains ont été tentés de rapprocher son premier album éponyme des travaux matriciels de Deathspell Omega et de toute cette f(r)ange qui en découle, noueuse et dissonante, actuellement à la mode. Mais les Français sont trop malins pour se contenter de simplement creuser des terres déjà défrichées, injectant déjà à ce matériau mortifère sa propre personnalité. Si, désincarné labyrinthe, cet opus séminal ne s'offrait pas aisément à l'auditeur, que dire de son successeur aux méandres plus tortueuses encore et dont la pénétration se veut extrêmement ardue, presque pénible. Au programme, six titres, six reptations fouaillant les angles morts d'un monde malade, six blocs qui paraissent au final n'en former qu'un seul, masse chaotique de matière noire qui vous happe tel un vortex monstrueux. Si 'Crushing The Human Skull' affiche d'une normalité trompeuse, encore que cette pulsative et hypnotique amorce soit meurtrie par des coups de boutoir hallucinés, les morceaux suivants sont comme les marches successives vers l'Inconnu, abîme où aucune lumière même blafarde ne filtre. Jamais. En trois ans, le groupe a affirmé sa signature, laquelle ne doit rien à personne, ouvrant grand le barrage de la folie, déversant un torrent de riffs qui ne filent pas droit ('Revenge'). Architecte d'un canevas déstructuré, Void Paradigm nous entraîne alors à travers les couloirs oppressants d'un art très dense qui, froid et pollué, largue les amarres du réel pour accoster une terre ravagée, au bord de la fin du monde. Un souffle terrifiant fige ces plaintes grouillantes de détails funestes qui prolifèrent tels une gangrène. Libéré d'un carcan conventionnel, le trio ose tout, n'hésitant pas par exemple à achever le titre éponyme par une dernière partie instrumentale égrenée par des notes de violon décharnées, ou à multiplier les cassures rythmiques en une stratification étouffante, à l'image du long et terminal 'From The Earth To The Skies'. Bénéficiant d'une excellente prise de son, l'album met à l'honneur des musiciens dont le talent n'est plus à prouver, notamment celui de Jo Théry qui trouve dans ce projet le terreau pour expérimenter avec son chant abyssal, témoin le démentiel 'Sick Life Fading' qui vrille les chairs tel un scalpel trempé dans la rouille. Plus que l'exploration d'un genre de Black Metal moderne et tourmenté, "Earth's Disease" façonne une partition qui n'appartient qu'à ses créateurs, hermétique sans doute, étouffante peut-être mais d'une noirceur qui prend aux tripes. 4/5  (2015)


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