Le nom de Kari Rueslatten ne peut que raviver de nostalgiques souvenirs chez ceux qui découvraient en 1994 le précieux "Tears Laid In Earth", première offrande matricielle de The 3rd And The Mortal, pionnier norvégien du Doom atmosphérique. Nonosbtant le charme de la toute aussi talentueuse Ann-Mari Edvardsen qui lui succédera dès l'année suivante pour le plus étrange encore "Painting On Glass", force est d'admettre que ce groupe désormais disparu ne fera jamais mieux que cet opus séminal d'une spectrale beauté. Grâce à celui-ci et au "Nordavind", unique album de Storm, éphémère projet du chanteur de Satyricon, la belle reste pour toujours associée à la musique qui nous tient à coeur alors même que la carrière solo quelque part entre Tori Amos et Bjork, qu'elle mène depuis vingt ans en est très éloignée. Pourtant depuis son retour en 2014, Kari semble désireuse d'affirmer ses racines métalliques, moins pour un art qui demeure toujours aussi doucereusement acoustique - nous y reviendrons - que pour ses collaborations avec Tuomas Holopainen qu'elle a invité sur "Time To Hell", album qui a scellé sa résurrection ou Anneke van Giersbergen et Liv Kristine pour The Sirens. De fait, nombreux sont à la (re)découvrir aujourd'hui. Ceci dit, "To The North" trouvera-t-il pour autant son public ? Si, de part son inspiration qui s'enracine dans la terre natale de la chanteuse dont elle sublime la beauté à la fois poétique et minérale, cette sixième escapade en solitaire séduira certainement les amoureux du Grand Nord sensibles à ce lustre froidement mystérieux propice à quelque rêverie automnale ('Battle Forevermore'), elle risque par contre d'en ennuyer beaucoup d'autres qui la jugeront trop gentillette sinon sirupeuse ('Mary' Song'). Et au final, c'est peut-être même davantage aux inconsolables de "Tears In Laid In Earth" que cette oeuvre paraît être destinée. Car, quand bien même nous sommes là à des années-lumière du Doom, la voix intacte de la prêtresse nordique suffit à elle seule à ensorceler et à réveiller une mélancolie fantomatique depuis longtemps endormie sous le permafrost. De fait, 'Three Roses In My Hands', ourlé toutefois de motifs folkloriques ou bien 'Letting Go' ne sont pas sans évoquer, quoique d'une manière lointaine, le spectre de The 3rd In The Mortal. Même la pulsative reprise de 'Turn ! Turn ! Turn !' de The Byrds se pare de cette tristesse hivernale qui drapait déjà le premier album des Norvégiens il y a vingt ans. D'un calme funèbre, "To The North" est une jolie réussite, épurée et hypnotique, dont les trésors émotionnels brûlent dans les profondeurs de sa glaciale intimité. D'un ennui trompeur, il faut lui laisser le temps de se dévoiler, de s'offrir à nous car au bout de son chemin se trouve sa richesse sombrement bucolique et désespérée. (2016)
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