Après les préliminaires de rigueur, dont un split partagé avec son faux-frère jumeau Sombre Croisade, 'Molasar Dreams', voici donc (enfin) venu le temps de la première véritable offrande pour Suicidal Madness, opus séminal fortement attendu par tous ceux auxquels ces petits bruissements ont mis l'eau à la bouche. A raison. Les autres, pour qui le groupe n'évoque rien, ont deviné à quelle chapelle se rattache celui-ci. Son nom tout comme l'écrin visuel habillant tel un suaire ce galop d'essai constituent en effet les indices évidents de l'expression suicidaire que les Normands ont choisi de ruminer. De fait, c'est un art noir profondément mélancolique que ces 'Larmes du passé' exalte avec respect et modestie. Sans chercher ainsi à les renouveler, le groupe aligne tous les invariants propres au genre, depuis les voix écorchées de rigueur en passant par les tempos léthargiques qui n'enclenchent jamais vraiment la seconde. Ce n'est pas grave car la force du black metal dépressif se trouve ailleurs, moins dans l'originalité donc que dans sa faculté (ou non) à capter un sentiment de désespoir absolu. Mais la frontière entre spleen lugubre et apitoiement misérable se révèle ténue et nombreux sont finalement ceux à s'embourber dans le second. Ce qui n'est bien entendu pas le cas de Suicidal Madness. D'un abord mélodique tout relatif, il n'est pourtant pas le plus noir ni le plus extrême des flagellants mais il a pour lui une dimension poétique qui suinte de ces complaintes engourdies par la contrition, notamment véhiculée par ce chant en français, lequel résonne comme un douloureux cri d'abandon. Saddy hurle comme si demain ne devait plus jamais exister, comme si le soleil ne devait plus jamais se lever ('Le glaive'). Excepté le (quasi) terminal 'Coma (Xibalba)', longue macération de plus de dix minutes au jus, le groupe possède également la capacité à résumer son propos par le biais d'un format resserré loin des trames (trop) souvent dilatées de mise. Toute la tristesse qui le ronge coule tel un pus maladif de compositions vrillées par des guitares polluées, nourries à l'humus burzumien ('Les larmes du passé'). Prisonnier d'une lenteur aussi obsédante que mortifère, l'art noir sculpté par Suicidal Madness aux allures de gisant, n'en reste pas moins ancré dans une tradition nationale à laquelle ses textes ne sont sans doute pas étrangers, à l'image de 'Nouvelle aurore'. C'est beau, c'est triste mais toujours noble. 'Les larmes du passé' porte en lui un telle souffrance que l'on ne peut qu'être touché au plus profond de son âme en s'abîmant dans ses sombres arcanes. Il faut ne jamais avoir connu la douleur pour rester insensible face ce recueil austère et sinistre. (2015)
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