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Kaiserreich | Cuere Nero (2015)


La vitrine que tend Kaiserreich ne doit pas vous effrayer car il mérite mieux que ses faces de gargouilles peinturlurées à la truelle et prenant la pause de manière haineuse. Certains se pinceront sans doute aussi le nez au simple énoncé de ce nom aux relents (faussement) autoritaires. Bref, oubliez les apparences trompeuses affichée hormis peut-être le beau visuel de Cuere Nero, seul indice réellement révélateur de l'art de ce groupe italien à la modeste renommée. Cette monumentale porte avalée par la brume annonce en effet un Black Metal froid et atmosphérique, plus élaboré sinon mélodique que celui plus bas du front qui était à craindre. Il est surtout devenu bien plus convaincant, plus robuste aussi, creusant un gouffre avec ce que ses auteurs enfantaient il y a quelques années encore. On pense à ce Ravencrowned, seconde offrande pourtant de bonne mémoire, grâce à laquelle nombreux sont ceux à les avoir découverts. En l'espace de quatre ans, Kaiserreich a progressé et atteint une grandeur, une dimension, dont on ne le croyait même pas capable. De l'artisan de série B certes déjà efficace, il est devenu un puissant et sombre conteur au pouvoir d'évocation immense. De fait, Cuere Nero se révèle être une œuvre parfaitement maîtrisée qui permet aux Italiens d'accéder au trône d'un metal noir riche d'une emphase ténébreuse. Moins cryptique que bien d'autres prêtres de la péninsule, Kaiserreich a le dard braqué vers la Scandinavie des années 90. Fidèle à une architecture tentaculaire, le groupe va cette fois-ci plus loin encore dans une expression étirée d'une effrontée démesure. Tous les titres oscillent entre cinq et neuf minutes au compteur, pour le meilleur et heureusement jamais pour le pire. Les Italiens n'hésitent d'ailleurs pas à ouvrir l'écoute avec trois des plus longues (et des plus belles) compositions du lot, dont ce 'Unico Sole' gigantesque où ils prennent leur temps, s'amusant presque à repousser le plus longtemps possible le moment de cracher leur semence. Une fois véritablement lancé, le titre galope avec une lancinance mélancolique à travers de vastes étendues sur lesquelles plane l'ombre des Winterfylleth et autre Drudkh. Vrillés par des lignes de guitares obsédantes, 'Bianco Freddo' et 'Senza Luce' sont faits de cette même étoffe majestueuse. S'il n'est parfois pas avare en furieuses accélérations ('Ombra Infranta', 'High Hopes'), Kaiserreich leur préfère toutefois le plus souvent la lenteur d'un tempo prisonnier d'une geôle de tristesse nichée dans les arcanes d'un sombre édifice. Sans aucun doute, Cuere Nero s'impose comme l'oeuvre la plus aboutie de la part d'un groupe dont on peut penser que son identité est désormais fixée. (2015)


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