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Desiderii Marginis | Hypnosis (2014)


Johan Levin nous aura décidément gâtés durant cette année 2014, pendant laquelle il aura offert deux albums, "Thaw" pour commencer, dont le statut de simple compilation ne le rend pas moins pas indispensable, et surtout "Hypnosis", une double ration de musique (?) pour succéder à "Procession" qui, il y a trois ans, marquait le grand retour du Suédois après un hiatus de plusieurs années. Son titre - inodore - ainsi que son visuel peu inspiré ne doivent bien entendu pas vous faire passer à côté de cet opus qui confirme au moins deux choses. D'une part que la Dark Ambient, bien qu'hermétique et exigeante, est loin d'être un genre figé et uniforme, palpitant au contraire d'une richesse qui semble sans fin, mais cela, on le savait déjà. D'autre part que Desiderii Marginis affiche depuis sa résurrection une inspiration décuplée et plus belle que jamais, même si cela, on le savait aussi. Du haut de ses (presque) deux heures de son(s), on aurait pu craindre que "Hypnosis" s'essouffle sur la durée ou soit difficile d'accès. Il n'en est pourtant rien, témoignant encore une fois et si besoin en était, du talent du bonhomme qui réussit tout du long à captiver, à passionner, nous emportant avec lui dans ce voyage introspectif, propice au recueillement. Si elle se drape dans le voile spectral d'une beauté absolue, l’œuvre n'en demeure pas moins minée par une tristesse qui l'est tout autant. Comment à ce titre ne pas être touché jusqu'au plus profond de son cœur, de son âme, par une plainte telle que 'Lazarus Palace', monument sécrétatoire d'une mélancolie aussi superbe que mortuaire ? Comme toujours, la Dark Ambient que tisse Desiderii Marginis se révèle plus émotionnelle que menaçante, des émotions trempées dans l'encre noire du désespoir le plus glacial. Englué, pétrifié par un souffle funéraire. C'est un art froid comme la roche en hiver et d'une dimension presque religieuse, art de la contrition face à une faute qui ne peut être pardonnée. "Hypnosis" est également traversé par nombre de fulgurances, puisées dans une palette de sonorités diverses bien qu'homogènes : samples de voix désincarnées ('Black Feathers'), soundscapes frissonnants ('Unmasked'), bruitages corrosifs qui rouillent la surface de ces complaintes étirées, lesquelles semblent se déliter à l'infini, déroulant un tapis aux limites floues d'émanations sombrement hypnotiques, et charriant des images de mort, de solitude et de douleur. A l'arrivée, Desiderii Marginis nous régale avec cette œuvre monumentale pour laquelle une vie entière ne suffira jamais pour en déceler tous les trésors nichés dans sa funèbre intimité. 4/5 (2015)


                                   

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