AU PIF

Fen | Epoch (2011)


Le raccourci est facile mais Fen est un peu à l’Angleterre ce que Agalloch est aux Etats-Unis, soit l’artisan d’un Black Metal évolutif, nourri d’influences atmosphériques et peintre d’une nature, quasi mystique chez les Américains, beaucoup plus terreuse et âpre chez les enfants d’Albion. Le groupe développe à sa manière très personnelle un art noir dont il serait tentant de dire qu’il est aéré de touches moins extrêmes, aux confins du Post-Rock notamment, mais qui pourtant charrie toujours une brume opaque, lourde qui l’empêche de décoller. De fait, la musique de Fen reste collée à la terre, à la tourbe, à la boue, reflet de paysages naturels figés par le brouillard. A l’instar de son prédécesseur, The Malediction Fields, Epoch a quelque chose d’une porte ouverte sur une nature sombre, humide et crépusculaire, que seule le socle anglais battu par la pluie et le vent pouvait enfanter. De prime abord décevante, cette seconde offrande qui se déploie encore une fois par le biais de longues échappées, n’offre pas son intimité dès sa première pénétration. Les écoutes initiales renvoient l’image d’une œuvre aux contours flous, corsetée par un crachin pénétrant et de laquelle on ne retient tout d’abord pas grand chose. Puis peu à peu, sa richesse se fait jour, perçant le fog qui l’entoure. On découvre alors un album qui allie la rage du pur Black-Metal ("Ghosts Of The Flood") à une beauté terreuse. De cet humus jaillissent des compositions fleuves qui sillonnent des chemins sinueux assombris par l’orage, même si par moment quelques rayons de soleil parviennent à percer les nuages ("The Gibbet Elms" en constitue une bonne illustration). Tour à tour venimeux ou plus clair et presque shoegaze bien que toujours en léger retrait, le chant est comme une vigie funeste guidant l’auditeur tandis que les claviers tapissent des champs aux ambiances grisâtres ("Ashbringer" par exemple, que déchirent des fissures atmosphériques ou "Of Wilderness And Ruin") et les guitares, autant stratosphériques que prisonnières d’une croûte boueuse, tissent des mélodies grêles empreintes d’une mélancolie hivernale. Fen possède vraiment cette capacité de mettre les mains dans la terre, de promener l’auditeur dans un décor marécageux. S'il creuse un sillon identique à son prédécesseur dont il demeure toutefois un cran en-dessous, Epoch confirme la singularité et l’inspiration de ses auteurs qui viennent également de collaborer avec De Arma pour un split (Toward The Shores Of The End) lui aussi tout à fait recommandable. On tient vraiment avec Winterfylleth, Wodenthrone et Fen, une nouvelle génération de hordes noires britanniques qui, chacune à leur façon, honorent le Black Metal tout en l’inscrivant dans une histoire et une géographie qui leur est propre. (2011)


                                     

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire