AU PIF

KröniK | Jääportit - Voimasuo (2009)


Plus les années passent, plus Tuomas Mäkelä, l'âme de ce projet extrait du permafrost en 1997, s'éloigne des rivages purement ambient pour dériver vers une musique plus foncièrement rock, bien que toujours instrumental (sauf exception). Depuis Uumenissa, longue rêverie vaporeuse dans des paysages d'une froideur à congeler un caribou sur place, le Finlandais poursuit ses recherches, ses expérimentations autour des sons électroniques. Peu à peu, il enrichit sa palette. Trois ans auparavant, Avarrus l'avait déjà démontré. Voimasuo le confirme plus encore. Jääportit n'est pas une entité figée dans les congères. Ecoutez "Tuulten Tuoja", première étape de ce voyage contemplatif, et vous comprendrez pourquoi. Cette respiration lente et hypnotique libère des sonorités d'orgues seventies généreuses qui la rapproche presque plus du Deep Purple de l'âge d'or que de la musique ambient. La comparaison est osée mais pas si improbable que cela. Dans tous les cas, nous sommes loin des effluves ouatées d'Uumenissa. Durant de longues minutes, Tuomas n'égrène que des notes d'orgues. Puis, la trame s'élève peu à peu tandis que la rythme se matérialise. C'est absolument superbe et on se dit qu'avec une telle ouverture, Voimasuo, véritable kaléidoscope de visions et d'images glaciales, ne peut décevoir. Effectivement. Toujours aussi froid, frissonnant, le travail de Mäkelä atteint, avec cette quatrième exploration, une beauté irréelle qui vous transporte loin, très loin, vers des sphères oniriques. On croise à nouveau des couleurs quasi-liturgiques sur "Arvoistusten Luona", mais elles fusionnent avec un voile évanescent plus électronique. On retrouve alors ces ambiances nocturnes et frileuses qui constituent la signature artistique de ce projet unique. Avec "Suon Sulaessa", le canevas arbore une plastique plus traditionnelle, à l'image du titre introductif. L'orgue est toujours là, fil conducteur de l'ensemble de l'album, toutefois, les atmosphères s'aventurent dans un univers plein d'étrangeté. Envoûtante, spectrale, cette complainte navigue dans un océan d'un noir d'encre seulement éclairé par la blancheur inquiétante d'un iceberg dérivant à la surface. Sur "Hengenvaara", Jääportit se fait plus hypnotique que jamais, bercé par le ressac d'une variété de sons aux confins du progressif, dont un chant transformé par des effets robotiques. A cette ballade introspective, belle comme un chat qui dort, succède le mystérieux "Sudenkuoppa", lancinante déambulation somnambulique dans une plaine enneigée qui permet au maitre des lieux de tricoter de multiples nappes synthétiques froides et étranges comme il en a le secret, mais encadrées par un vrai socle rythmique. Et toujours, ces teintes seventies grisantes qui propulsent l'univers sonore de Tuomas vers des sommets inaccessibles. Après le tragique et hanté "Muuntuva Suoja" où le musicien s'impose comme une sorte de Klaus Schulze du cercle polaire, Voimasuo meurt sur "Katoamine Tornissa", épilogue trippante qui plonge ses arcanes gelées dans un sombre et crépusculaire désespoir avant de s'emballer dans un tourbillon de synthétiseurs. Un chef-d'œuvre absolu, capable de faire souffler le froid mieux qu'une tempête de blizzard, de congeler une belle journée ensoleillée d'été. Un album à vivre plus qu'à écouter, dans le noir. 4/5 (2009)


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire